Play to Earn et Crypto : droit et fiscalité applicable

Play-to-Earn et Crypto : quelle réglementation applicable ?

Avec le développement des crypto actifs, les jeux en ligne prennent une nouvelle dimension. En témoigne notamment le succès grandissant des modèles de jeux en Play-to-Earn en lien avec de la cryptomonnaie (que nous appellerons dans le cadre de cet article le « Play-to-Earn crypto »).

Le Play-to-Earn crypto est un mode de jeu en ligne permettant aux joueurs d’être récompensés par l’obtention de crypto actifs en contrepartie de leur participation au jeu. En pratique, cette récompense correspond à des jetons utilitaires (utility tokens) ou bien à des jetons non fongibles (NFTs).

Ces récompenses présentent plusieurs avantages :

  • Le joueur bénéficie d’un droit de propriété sur les jetons obtenus ;
  • Ces jetons ont une valeur de marché. Le titulaire du jeton peut décider de le revendre sans avoir besoin de l’accord de l’éditeur du jeu vidéo ;
  •  Ils sont compatibles avec la blockchain sous-jacente ;
  • Ils sont utilisables dans d’autres jeux ou services compatibles.

Par ailleurs, le développement des modèles de Jeux en Play-to-Earn crypto peut être financé par un mode de levée de fonds en cryptomonnaies : lInitial Game Offering (IGO).

Avocats en droit des cryptomonnaies, nous pouvons vous accompagner dans la structuration juridique, règlementaire et fiscale de vos projets de jeux en Play-to-Earn en lien avec de la crypto.

Play-to-earn crypto : quel type de société fiscalement optimisée faut-il créer ?

 

En pratique, les éditeurs de jeux en Play-to-earn crypto créent une société afin de développer et d’exploiter leur activité. Cette étape est cruciale dans la vie de l’entrepreneur puisque la forme sociale choisie aura des conséquences notables sur la suite de son activité. L’une des principales conséquences étant la fiscalité applicable. En effet, le régime fiscal diffère selon que la société est une société de personnes ou une société de capitaux.

  • Les sociétés de personnes sont celles qui sont soumises à l’impôt sur le revenu (IR). Cela signifie que les associés seront directement redevables de l’impôt sur leur quote-part de bénéfice.
  • Les sociétés de capitaux sont celles qui sont soumises à l’impôt sur les sociétés (IS), au taux unique de 25% pour les exercices ouverts à compter du 1er janvier 2022.

Bon à savoir : les sociétés normalement soumises à l’IR peuvent temporairement opter pour le régime de l’IS et inversement. En tout état de cause, il est possible de prévoir des montages afin d’optimiser la fiscalité du projet.

Play-to-earn crypto : quelle est la nature des récompenses obtenues ?

 

Les récompenses obtenues peuvent prendre deux formes :

  • Des utility tokens ;
  • Des NFTs.

La qualification de l’actif acquis dépend des caractéristiques et des droits qui y sont associés.

 

Les utilty tokens

Conformément à l’article L54-10-1 du Code monétaire et financier (CMF), les jetons, à l’exclusion de ceux qui constituent des instruments financiers ou des bons de caisse, constituent des actifs numériques.

Les utility tokens acquis en matière de jeux en Play-to-Earn crypto confèrent des droits d’usage. Ils ne constituent donc pas des instruments financiers ou des bons de caisse. Partant, les utility tokens peuvent être qualifiés d’actifs numériques au sens du CMF.

Cette qualification a alors plusieurs conséquences.

Tout d’abord, le régime juridique de l’émission de jetons est applicable. Ensuite, la réglementation relative aux prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) s’appliquerait dès lors que la plateforme de jeu en ligne de Play to Earn crypto permettrait :

  • D’acquérir des jetons en cryptomonnaie ou monnaie ayant cours légal ;
  • D’offrir un service de conservation des actifs lié au compte des joueurs de la plateforme ;
  • De mettre en relation acheteurs et vendeurs via une plateforme d’échange.

Bon à savoir : n’hésitez pas à consulter notre article sur l’obtention d’un agrément PSAN si vous souhaitez en savoir plus.

 

Les NFT

Le doute persiste s’agissant de la qualification juridique du NFT comme actif numérique, car les NFTs ne confèrent pas toujours un droit. Or, l’attribution d’un droit par l’actif est l’un des critères énoncés par l’article L.552-2 du CMF définissant la notion de jeton représentant un actif numérique.

La qualification du NFT comme actif numérique en ce qu’il constituerait une monnaie virtuelle est également difficilement admissible au regard de l’article L.54-10-1 du CMF. En effet, l’article dispose que pour être qualifiés de la sorte, les biens numériques doivent être acceptés « par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange ».

Or, l’expression « moyen d’échange » vient s’opposer au caractère non fongible du NFT.

D’aucuns considèrent qu’il est possible de qualifier les NFTs comme :

  • De simples biens meubles incorporels en se fondant sur la décision du Conseil d’État du 25 avril 2018 qui rappelle la distinction entre les biens meubles et immeubles, ou ;
  • Des œuvres d’art. Cette idée est justifiée par le fait que les NFTs sont souvent relatifs à des œuvres d’art. Toutefois, elle semble être à ce jour la piste la moins probable puisque l’article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle ne mentionne pas les NFTs au titre des œuvres de l’esprit.

Play-to-earn crypto : quelles sont les implications fiscales en fonction de la récompense reçue ?

 

La Fiscalité des utility tokens

La loi de finances pour 2019 précise que les opérations d’échanges entre actifs numériques ne donnent lieu à aucune imposition. Elles sont considérées comme neutres du point de vue fiscal.

Toutefois, dès lors que ces actifs sont convertis en monnaie fiat (monnaie ayant cours légal) ou sont utilisés pour acquérir un bien ou un service, la plus-value générée à cette occasion sera imposable.

Ainsi, lorsqu’un utilisateur cédera ses utility tokens à titre occasionnel, la plus-value imposable sera soumise à la « flat tax » de 30% (dont 12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2 % au titre des prélèvements sociaux), conformément à l’article 150 VH bis du Code général des impôts (CGI).

En revanche, lorsqu’il les cédera de manière habituelle, la plus-value imposable suivra le régime des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).

 

La fiscalité des NFT

La fiscalité du NFT va dépendre de sa qualification juridique qui, comme nous l’avons déjà énoncé, est encore incertaine à ce jour s’agissant des personnes physiques dans le cadre d’une activité non professionnelle.

Bon à savoir : pour un développement plus important sur ce sujet, nous vous renvoyons à notre article sur la fiscalité des NFTs.

 

NFT et actifs numériques

Dans l’hypothèse où les NFTs seraient assimilés à des actifs numériques, l’achat ou la revente de NFTs payés au moyen de cryptomonnaies constituerait alors une opération fiscalement neutre et bénéficierait du sursis d’imposition prévu dans le cadre des échanges entre actifs numériques.

Dès lors qu’il y aurait conversion en monnaie fiat, l’imposition sur les plus-values à la flat tax de 30% viendrait s’appliquer.

 

NFT et biens meubles incorporels

Dans l’hypothèse où les NFTs seraient assimilés à des biens meubles incorporels, le régime fiscal des cessions de biens meubles serait applicable, conformément à l’article 150 UA du CGI.

De ce fait, la plus-value serait imposée au taux 36,2% (dont 19% au titre de l’impôt sur le revenu et 17,2% au titre des prélèvements sociaux).

Ce régime fiscal présente un certain avantage puisqu’il prévoit une exonération pour toute cession dont le montant est inférieur à 5 000 euros.

Pour les cessions supérieures à ce montant, un abattement de 5% par an est prévu à partir de deux années de détention, ce qui entraîne une exonération totale au bout de 22 années de détention.

 

NFT et œuvres d’art

Dans l’hypothèse où les NFTs seraient assimilés à des œuvres d’art, l’article 150 VI du CGI s’appliquerait. Ce régime prévoit une taxe forfaitaire au taux de 6,5% (dont 6% de taxe forfaitaire et 0.5% de Contribution pour le Remboursement de la Dette Sociale) du prix de vente.

Comme en matière de biens meubles incorporels, les cessions dont le montant est inférieur à 5 000 euros sont exonérées d’imposition.

Bon à savoir : contrairement aux deux autres régimes précités, l’imposition est due sur le prix de vente et non le montant de la plus-value réalisée.

Play-to-earn crypto : quid de l’application de la TVA ?

 

En principe, toute opération à titre onéreux est soumise à l’application de la TVA. Pour les récompenses acquises gratuitement, la TVA est donc à exclure.

Il convient alors de se pencher sur les récompenses acquises en contrepartie d’un paiement. Rappelons que l’administration fiscale a précisé qu’une opération à titre onéreux est assujettie à la TVA lorsqu’est caractérisé un lien direct entre le service rendu ou le bien acquis et la contre-valeur perçue.

En matière de play-to-earn crypto, l’achat d’utility tokens ou de NFTs serait susceptible d’être soumis à la TVA puisque le bien acquis (utility token ou NFT) résulterait directement de la contre-valeur perçue, à savoir un paiement en cryptomonnaies.

Dès lors que les conditions sont réunies, la TVA française s’applique à toutes les opérations réalisées entre un opérateur français professionnel et un particulier, sans considération du lieu d’établissement de l’utilisateur. En France, le taux normal de la TVA est de 20 %.

Play-to-earn crypto : quels sont les risques ?

 

De par ses caractéristiques, les jeux en Play-To-Earn crypto présentent le risque d’entrer dans le champ d’application de la réglementation applicable aux jeux d’argent et de hasard.

Les jeux d’argent et de hasard sont soumis ​​à l’obtention d’un agrément délivré par l’Autorité National des jeux (ANJ), anciennement appelée Autorité de Régulation des Jeux en Ligne (ARJEL). À défaut d’agrément, une telle activité est illégale et lourdement sanctionnée.

L’activité de jeu d’argent et de hasard est caractérisée dès lors que :

  • L’activité s’adresse au public. Une activité est considérée comme s’adressant au public lorsque sa cible dépasse le cercle privé ;
  • L’activité implique un sacrifice financier de la part du joueur. La majorité des jeux en Play-to-Earn sont accessible gratuitement, du moins au départ. De ce point de vue, ces jeux ne semblent donc pas impliquer un sacrifice financier. Toutefois, la vente de contenus additionnels du jeu tels que les améliorations de personnage pourrait permettre de remplir ce critère et ainsi faire basculer le Play-to-Earn crypto sous le joug de la réglementation des jeux d’argent et de hasard. En ce sens, l’ANJ (ex ARJEL) a considéré qu’une loot box (coffre à récompense) peut être qualifiée de jeu d’argent dès lors que celle-ci est payante et qu’elle peut être cédée et utilisée en dehors de la plateforme de jeu ;
  • L’activité offre une espérance de gain dû au hasard. Selon l’ANJ, l’espérance de gain est établie à compter du moment où l’objet gagné est « susceptible d’être vendu ». En outre, ce gain doit être dû au hasard. La notion de hasard est omniprésente en matière de jeu en Play-to-Earn crypto, car les jetons de récompense sont distribués aléatoirement, certains pouvant être plus ou moins rare.

Pour aller plus loin :

Mise en ligne : 7 avril 2022

Rédacteur : Rayan Benfedda, Diplômé du Master I Droit des affaires de l’université Paris X. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.

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