Tokenisation de l’immobilier : comment ça marche ?

Tokenisation de l’immobilier : ce que vous devez savoir

Avec l’évolution de la tokenisation de l’économie, le marché de l’immobilier connaît sa révolution numérique. En effet, le phénomène de tokenisation immobilière en France et ailleurs dans le monde, transforme les mécanismes traditionnels d’investissement immobilier en les rendant accessibles à tous. C’est justement ce que l’entreprise espagnole BRICKKEN propose dans le cadre de sa levée de fonds par ICO (Initial Coin Offering). Cette start up a pour projet de créer une plateforme d’échange de token d’actifs immobiliers émis sur une blockchain. Nous entrons désormais dans l’ère de la tokenisation de l’immobilier.

Dans ce nouveau monde, certains acteurs proposent des services de tokenisation d’appartements, de maisons ou encore de parts de sociétés immobilières. Les investisseurs peuvent acheter et (re)vendre des biens immobiliers « tokenisés » sur une blockchain, de manière décentralisée et sécurisée. 

La question que se pose bon nombre d’investisseurs et d’émetteurs de token est généralement la suivante : est-il possible de tokeniser tout type d’actif immobilier sur une blockchain ? Et si oui, comment faire ? C’est à ces questions que nous tenterons d’apporter un éclairage. 

Avocats en droit des cryptomonnaies, nous pouvons vous accompagner dans vos projets de tokenisation immobilier.

Qu’est ce que la tokenisation de l’immobilier ? 

Pour comprendre ce qu’est la tokenisation de l’immobilier, encore faut-il maîtriser les concepts de « token » et de « tokenisation ». 

 

Définition du token

Un token (ou jeton numérique) est la représentation numérique d’un actif (qui peut être défini comme l’ensemble des biens et des droits évaluables en argent constituant les éléments positifs du patrimoine d’une personne physique ou morale) inscrit sur une blockchain.

L’actif représenté par le token (ou actif sous-jacent) peut exister tant sous une forme digitale que physique. En effet, il est possible de représenter sur un token tout type d’actif comme : 

  • une oeuvre d’art (NFT) ;  
  • une action de société ; 
  • un terrain ;
  • un bien immobilier.

En définitive, le token a pour objet de représenter la propriété d’un actif.

 

Définition de la tokenisation

La tokenisation est le processus d’inscription d’un actif et des droits attachés à cet actif sur un jeton numérique, lequel est enregistré sur une blockchain.

 

Tokenisation d’un actif immobilier ou tokenisation de l’immobilier 

La tokenisation de l’immobilier ou tokenisation d’un actif immobilier peut être défini comme le processus d’inscription d’un actif immobilier (tel qu’un bien immobilier ou une quote-part de ce bien ou part sociale de société) et des droits attachés à cet actif (droits de vote, droit de percevoir des dividendes, etc.) sur un jeton numérique enregistrée sur une blockchain.

Pour l’émetteur du token, il s’agira de diviser un actif immobilier ou la propriété de l’actif pour permettre aux investisseurs d’en acquérir une « fraction » numérisée sur un jeton.

Bon à savoir : pour tokeniser un actif immobilier, il est nécessaire d’adosser au token un bien immobilier. Ce bien (ou la propriété de celui-ci) est digitalisé sous la forme d’un token sur une blockchain. Les jetons ayant pour objet de représenter la propriété d’un actif sont la plupart du temps émis sur la blockchain Ethereum sous la norme ERC-20.

Pour aller plus loin : si vous vous intéressez plutôt aux actifs financiers, retrouvez notre article sur la tokenisation des actifs financiers.

Blockchain et financement de l’immobilier : comment ça marche ?  

 L’usage des crypto actifs et de la technologie blockchain se démocratise de plus en plus, créant pour les investisseurs de nouvelles opportunités d’investissement et de financement. 

Dans ce contexte, il est possible d’investir dans l’immobilier avec un minimum de capital, en achetant et vendant des tokens représentatifs d’un actif immobilier sur des plateformes d’échanges.

 

Comment la blockchain peut-elle s’immiscer dans l’immobilier ?

La blockchain intervient comme une technologie de rupture pour les acteurs de l’immobilier. En effet, elle est perçue comme un grand registre distribué permettant de traiter, d’effectuer et d’enregistrer les transactions sur les tokens immobiliers de manière immuable. Ainsi, la blockchain permet aux acteurs du marché de l’immobilier d’attester à tout moment de la propriété de chaque token immobilier.  

La technologie blockchain permet également au plus grand nombre d’accéder à l’investissement immobilier sans disposer d’un patrimoine initial conséquent. Et ce, par l’acquisition d’une quote-part d’un actif immobilier ou de la propriété « tokenisée » de celui-ci.

La blockchain permet aussi de rendre liquides des biens considérés comme « illiquides » sur le marché de l’immobilier traditionnel. Pour mémoire, dans le domaine financier, les titres « illiquides » sont ceux qui, à défaut d’acheteurs, ne peuvent être (re)vendus qu’à un prix sous-évalué bien inférieur à leur valorisation réelle.

La tokenisation de l’immobilier ainsi permet de lutter contre le problème de liquidité du marché dans la mesure où le token peut être échangé sur un marché ouvert de manière continue sur des plateformes d’échanges. C’est la raison pour laquelle les termes « blockchain » et « financement de l’immobilier  » vont de paire pour tout investisseur avisé dans le domaine de l’immobilier numérique.

Tokenisation de l’immobilier : à quoi ça sert ? 

La tokenisation de l’immobilier intéresse tant l’émetteur de jeton que l’investisseur.

 

S’agissant de l’émetteur

Comme exposé précédemment, la tokenisation va permettre à l’émetteur du jeton de rendre son bien immobilier beaucoup plus liquide. 

En pratique, cela pourrait fonctionner de la manière suivante :

Dans un premier temps, l’émetteur proposerait les jetons (représentatif d’un actif immobilier) à la vente sur un marché primaire par le biais d’une offre au public de jetons, souvent sous la forme de STO (Security token). 

Bon à savoir : c’est sur le marché primaire que vont être émis les actifs financiers, tels que les actions, les obligations ou warrants. En revanche, c’est sur le marché secondaire qu’a lieu l’achat et la vente d’actifs financiers déjà existants. 

Dans un second temps, l’émetteur pourrait profiter du marché secondaire pour faire fluctuer la valeur du token. Aussi, la valeur du token pourrait être fonction : 

  • De la valeur du bien immobilier sous-jacent ; 
  • Du jeu de l’offre et de la demande déterminant le prix du token sur le marché secondaire (spéculation) ; 
  • Du prix fixé par l’émetteur.

 

La valeur du jeton pourrait ainsi permettre de valoriser le bien immobilier ou les parts sociales de société représentant le bien immobilier.  En outre, l’émetteur du jeton pourrait décider de « tokeniser » un bien immobilier sous la forme de token ayant comme actif sous-jacent : 

  • la pleine propriété du bien immobilier (1 token = 1 appartement ou une maison) ou ; 
  • une quote-part de celle-ci (1 token = 1 ou plusieurs parts sociales de société détenant la propriété d’un bien immobilier).

 

 

S’agissant de l’investisseur 

En matière d’investissement immobilier traditionnel, plusieurs solutions lui sont offertes : 

  • L’achat d’un bien immobilier ; 
  • L’achat de parts sociales de SCI (Société Civile Immobilière) ou SCPI (Société Civile de Placement Immobilier) ;
  • L’achat de parts sociales de fonds d’investissement immobilier ou de sociétés commerciales (SAS immobilières notamment).

 

En matière d’investissement par le biais de la tokenisation de l’immobilier, l’investisseur va acquérir un token qui pourrait représenter : 

  • Un bien immobilier, sa propriété et les droits qui y sont attachés ;
  • Un ensemble de biens immobiliers, leurs propriétés et les droits qui y sont attachés ;
  • La quote-part d’un bien immobilier, sa propriété et les droits qui y sont attachés ;
  • Les parts sociales d’une SCI, SCPI, d’un fonds d’investissement immobilier ou d’une société commerciale.  

  

Bon à savoir : il est possible d’adosser la tokenisation d’un actif immobilier à un smart contract pour permettre aux investisseurs de se voir verser automatiquement des revenus locatifs lorsque le bien est loué.

Quels sont les avantages de la tokenisation de l’immobilier ? 

La tokenisation de l’immobilier présente de nombreux avantages, tant pour l’émetteur du token que pour l’investisseur.

 

Les avantages de la tokenisation de l’immobilier pour l’émetteur du token

Il est possible de relever les avantages suivants :

  • Utiliser la blockchain pour diviser un actif immobilier ou la propriété de celui-ci en une multitude de tokens ; 
  • Possibilité de diversifier les marchés en proposant des actifs immobiliers partout dans le monde sans barrière géographique ; 
  • Accroître la liquidité d’un actif immobilier par l’échange des tokens sur un nouveau marché ouvert 7/7 et 24h/24 ; 
  • Possibilité d’utiliser des smarts contracts pour automatiser les conditions contractuels de la vente du token.

 

Les avantages de la tokenisation de l’immobilier pour l’investisseur

Il est possible d’identifier les avantages suivants :

  • Utiliser la blockchain pour acquérir un droit de propriété sur un bien immobilier ou une quote-part de celui-ci ; 
  • Permettre l’acquisition et la vente rapide de token immobilier de manière sécurisée et décentralisée par le biais de la blockchain ;  
  • Accéder au marché de l’immobilier sans barrière à l’entrée ;  
  • Obtenir un faible coût de transaction pour l’achat et la vente de token immobilier (en l’état actuel du droit, il n’y a aucun droit d’enregistrement à payer à la suite de la vente de token immobilier sur une blockchain).

La tokenisation de l’immobilier est-elle possible sous la forme de NFT ?

Lorsque nous parlons de tokenisation de l’immobilier, de quel type d’immobilier parlons-nous exactement ?

Nous distinguerons ici l’immobilier physique et de l’immobilier virtuel.

 

NFT et immobilier physique 

L’utilisation des NFT ne se limite plus seulement à l’art numérique, mais peut servir de certificat de propriété en matière mobilière et immobilière.

Pour mémoire, le NFT est un jeton non fongible représentant un actif tant physique que numérique inscrit sur une blockchain et ayant pour objet de certifier l’authenticité de cet actif, sa non-interchangeabilité et la propriété de cet actif sur une blockchain. Chaque NFT est ainsi unique car l’actif sous-jacent l’est également, ce qui rend le NFT non fongible, authentique et indivisible. 

En matière immobilière, les NFT permettent de représenter sur une blockchain la propriété unique d’un bien immobilier ou d’une fraction (ou quote-part) de celle-ci, via un certificat de propriété.

Autrement dit, le NFT immobilier permet de représenter : 

  • soit l’entièreté de la propriété du bien immobilier ; 
  • soit la quote part de la propriété d’un actif immobilier par le biais de l’émission de titres de propriété (en émettant des unités de l’actif immobilier représenté). Ceci s’apparente au concept de la titrisation en matière financière.

 

Comme pour les tokens immobiliers, les NFT doivent être créés. Dans le cadre des NFT on parlera alors de « mint » (procédure de création d’un NFT sur une blockchain), toujours associé à un smart contract pour prévoir les conditions du token, les règles relatives au transfert des droits attachés à la propriété (droits de vote, etc.), des règles relatives à la distribution des revenus fonciers en cas de location du bien, ainsi que des règles relatives aux conditions de cession de la propriété.

 

NFT et immobilier virtuel

L’utilité des NFT ne se limite pas au marché de l’immobilier physique. En effet, les NFT permettent également d’acquérir des parcelles de terrains virtuels dans les métavers (aujourd’hui constitués des différents jeux en Play-to-Earn, comme The Sandbox, Axie infinity, Decentraland, Victoria VR, etc.). 

L’achat d’un terrain virtuel peut avoir pour but d’y implanter : 

  • une entreprise virtuelle ;
  • un immeuble virtuel ; 
  • une maison virtuelle ;
  • un commerce virtuel ;
  • une galerie d’art virtuelle ;
  • etc.

 

Dans ce contexte, un investisseur peut acquérir, dans un métavers, un terrain virtuel pour y développer une activité commerciale ou recourir à un investissement immobilier. Tout comme les tokens immobiliers et les NFT immobiliers physiques (associés à un bien immobilier physique réel dans le monde réel), les NFT immobiliers virtuels peuvent garantir la propriété d’un bien immobilier qui pourra être loué et générer des revenus locatifs. 

L’utilisation de smart contract permet alors d’automatiser le transfert des droits de propriété et la distribution des revenus fonciers. 

Il est important de préciser que les parcelles de terrain que les investisseurs s’arrachent dans les métavers ne sont pas considérées, juridiquement, comme des actifs immobiliers réels, mais comme des NFT (dont la qualification juridique est, pour l’heure, incertaine).

Quelle est la réglementation applicable aux actifs immobiliers tokenisés et NFT immobilier ?

Le droit français n’a pas prévu, au jour de la rédaction de cet article, de régime juridique applicable aux actifs immobiliers tokenisés et encore moins aux NFT. En effet, les textes ne reconnaissent pas formellement l’enregistrement de la propriété d’un actif immobilier sur la blockchain et ne paraissent y attacher aucun effet juridique.

En tout état de cause, lorsque le régime juridique applicable entrera en vigueur, force sera de préciser que la réglementation applicable aux actifs immobiliers tokenisés dépendra de la qualification juridique du token immobilier. Si le token immobilier est considéré comme un NFT, on lui appliquera le régime juridique du NFT (en cours de création).

De même, il serait envisageable de définir le token immobilier comme un :

  • Utility token : il s’agira du cas où le token permettra l’accès à un produit ou service (par exemple l’accès à l’intégralité du bien immobilier une ou plusieurs fois par an) ;
  • Security token :  il s’agira du cas où le token est qualifié d’actif financier au sens de l’article L.411-2-1 1 °du Code monétaire et financier.

 

Selon le type de token émis, la réglementation applicable sera différente.  

Bon à savoir : en France, les STO sont très encadrés et soumis à la législation « prospectus » des Initial Public Offering (IPO) ainsi qu’à la directive européenne du 15 mai 2014 dite « MIF2 ». Cela signifie que les STO doivent obligatoirement être enregistrés à l’AMF et passer par une procédure de vérification d’information. Sauf exception, l’article 211-2 du Règlement Général de l’Autorité des Marchés Financiers dispose que lorsque le montant total d’une offre de titres financiers n’excède pas 8 millions d’euros dans l’Union européenne, celle-ci n’est pas considérée comme une offre au public soumise à la législation prospectus. 

 

Tentative de définition du token immobilier

Lorsqu’un émetteur de jetons souhaite tokeniser un actif immobilier, celui-ci devra connaître la qualification juridique du token émis. Et cette qualification juridique du token pourrait dépendre de l’actif sous jacent : 

  • Si le token représente une quote-part de propriété ou la propriété totale d’un bien immobilier, le détenteur dudit token disposera d’un droit réel de propriété sur l’actif immobilier. En effet, il ne s’agira pas ici de numériser sur le token une action ou une obligation, mais bien la propriété réelle du bien immobilier. Ainsi, le token ne représentera pas un actif financier et ne sera donc pas soumis à la réglementation sur actif financier, sauf cas de titrisation.
  • Si le token est adossé à un actif financier, il conviendra de respecter la réglementation applicable aux actifs financiers dès lors que le token ne représentera pas directement un droit réel de propriété sur le bien immobilier, mais un droit sur les revenus fonciers (tel qu’en matière de titrisation).

 

Pour mémoire, la titrisation est une opération consistant en l’acquisition de créances par une société de titrisation ou par un fonds commun de titrisation (FCT) lesquelles financent ladite acquisition par l’émission de titres de créances négociables (actions ou obligations).

On rappellera également ici que les instruments financiers sont régis par l’article L211-1 du Code monétaire et financier, selon lequel il existe trois types d’instruments financiers :

  •   Les titres financiers ayant pour objet de représenter des actifs ayant une valeur monétaire, tels que :
    • les titres de capital émis par les sociétés par actions ;
    • les parts ou actions d’organismes de placement collectif.
  • Les titres de créance ;
  • Les contrats financiers ou instruments financiers à terme, tels que :
    • Swaps ;
    • Warrants ;
    • Options.

Bon à savoir : les effets de commerce et les bons de caisse ne sont pas considérés comme des instruments financiers.

Pour aller plus loin :

Mise en ligne : 7 février 2022

Rédacteur : Thibault LABIRE, Diplômé du Master 2 Droit privé et public des affaires de l’Université Panthéon Assas Paris II. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.

Vous avez besoin de conseils ?