Quelle est la réglementation applicable aux actifs financiers tokenisés ?
Le droit français réglemente les émissions de titres financiers sous forme de security token. En effet, un décret d’application du 24 décembre 2018 issu de l’ordonnance du 8 décembre 2017 est venu confirmer la possibilité d’utiliser la blockchain pour la transmission et l’inscription de titres financiers sur celle-ci.
Pour l’émetteur
Lorsqu’un émetteur de jetons souhaite tokeniser un actif financier, celui-ci devra connaître la qualification juridique du token émis. Pour ce faire, il devra analyser sur quel type d’actif financier sous-jacent le token est adossé. Il pourra passer par une STO s’il souhaite lever des fonds pour financer un projet ou se contenter de numériser une valeur mobilière sur la blockchain en passant par une société spécialisée. Dans ces deux cas, le jeton sera qualifié de security token.
De même, l’opération de levée de fonds est qualifiée de STO lorsque les tokens peuvent être qualifiés d’actifs financiers et que l’offre de jeton est une offre au public de jetons de titres financiers au sens de l’article L.411-2-1 1 °du Code monétaire et financier.
En France, les STO sont encadrés et soumises à la législation « prospectus » des IPO ainsi qu’à la directive européenne du 15 mai 2014 dite « MIF2 ». Cela signifie que les STO doivent être enregistrés à l’AMF et passer par une procédure de vérification d’information. L’émetteur devra procéder à la rédaction d’un document d’information dit « prospectus ».
Sauf exception, l’article 211-2 du Règlement Général de l’Autorité des Marchés Financiers dispose que lorsque le montant total d’une offre de titres financiers n’excède pas 8 millions d’euros dans l’Union européenne, celle-ci n’est pas considérée comme une offre au public soumise à la législation prospectus.
Ainsi l’investisseur devra seulement transmettre un document d’information synthétique (DIS) avec des mentions obligatoires, qui ne sera pas soumis à un visa de l’AMF, conformément aux dispositions de l’article 212-44 du Règlement Général de l’Autorité des Marchés Financiers (RGAMF).
L’émetteur du token devra également respecter les procédures de KYC pour l’identification et la vérification de l’identité des investisseurs et la mise en place de dispositifs de conformité (obligations liées à la LCB-FT).
Bon à savoir : le 6 mars 2020, l’AMF a publié une note relative à la réglementation des STO qui faisait état de l’interdiction, pour les SAS, de recourir à une offre au public de titres financiers. Cette interdiction relève des dispositions de l’article L.227-2 du Code de commerce.
Selon l’AMF, les SAS souhaitant lever des fonds pourraient recourir à une offre de financement participatif sous les conditions suivantes :
- Que l’offre soit inférieure à 8 millions d’euros ;
- Que l’offre vise plus de 149 personnes ;
- Que le montant par titre soit inférieur à 100 000 € ;
- Passer par un site de financement participatif.
Pour les plateformes d’échanges
Comme pour une ICO, l’échange du jeton sous forme de security token sur un marché secondaire reste primordial afin de trouver des liquidités. En revanche, lorsque le token est qualifié de security token, l’échange de celui est strictement encadré. Dès lors que le token est listé sur une plateforme d’échange, la directive MIFID II impose que celle-ci désigne un intermédiaire agrée comme gestionnaire central. Il devra obligatoirement s’agir d’une personne morale ou être elle-même agréé comme tel.
En outre, d’autres contraintes réglementaires sont imposées lorsqu’une plateforme d’échange souhaite proposer l’achat (re)vente de security token.
Conclusion
La tokenisation des actifs financiers permet de créer de nouvelles opportunités d’investissements. La réglementation en vigueur sur les security token doit encore être précisée dans les années à venir. On peut déjà noter le projet de création d’un « Digital Lab » par l’AMF qui permettrait aux autorités nationales compétentes de lever, en contrepartie de garanties appropriées, certaines exigences imposées par la réglementation européenne.
À ce jour, la structuration de projets de tokénisation d’actifs financiers est très encadrée et doit être réalisée de manière rigoureuse afin d’éviter toute sanction de la part des régulateurs.
Pour aller plus loin :