L’œuvre de l’esprit : tout savoir en 5 min

Création d’une œuvre de l’esprit : comment ça marche et quels sont vos droits ?

Alors que Robert Brisebois affirmait que « La valeur d’une œuvre n’existe que dans l’esprit de ceux qui l’apprécient », le droit de la propriété intellectuelle français n’a pas tardé à concevoir une protection de l’œuvre de l’esprit dès 1791.

Mais qu’est-ce qu’une œuvre de l’esprit ?

La définition est simple. La notion d’œuvre de l’esprit au sens du droit de la propriété intellectuelle renvoie à toute création résultant d’une activité intellectuelle ou artistique, qu’il s’agisse de livres, de musiques, de dessins ou encore de logiciels. Dès son achèvement, l’auteur et son œuvre de l’esprit vont bénéficier d’une protection particulière. Découvrons tout cela ensemble !

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Comment appelle-t-on le droit qui protège une œuvre de l’esprit ?

Dès sa création, une œuvre de l’esprit est protégée par ce qu’on appelle le droit d’auteur, peu importe la forme d’expression, le genre, le mérite ou la destination de celle-ci.

Dans ce contexte, aucune démarche n’est, en principe, nécessaire pour acquérir ce droit.

Il reste toutefois conseillé, afin d’anticiper un éventuel contentieux, de déposer ou d’enregistrer l’œuvre pour faciliter la preuve de la paternité qui est relative à sa date de création.

Le dépôt peut s’effectuer devant différents acteurs :

  • Un notaire ou un huissier ;
  • Une société de collecte et de répartition des droits d’auteur, par exemple la SACEM ;
  • L’INPI (Institut National de la Propriété Intellectuelle).

La protection du droit d’auteur est un principe énoncé à l’article L111-1 du Code de la propriété intellectuelle en vertu duquel :

  • « l’auteur d’une œuvre de l’esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d’un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous. Ce droit comporte des attributs d’ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d’ordre patrimonial ».

Il s’ensuit qu’à la seule conception d’une œuvre de l’esprit, l’auteur se voit attribuer deux types de prérogatives :

  • les droits moraux et ;
  • les droits patrimoniaux.

 

Les droits moraux

L’objectif du droit moral est de protéger la personnalité de l’auteur exprimée au travers de son œuvre de l’esprit. Ainsi, l’auteur peut à la fois revendiquer la paternité de son œuvre et en faire respecter l‘intégrité.

Le droit moral offre des droits particuliers à l’auteur :

  • Le droit de divulgation : l’auteur désigne lui-même la date et les conditions dans lesquelles son œuvre de l’esprit est divulguée au public pour la première fois ;
  • Le droit au respect du nom et de la qualité : chaque publication de l’œuvre doit faire paraître le nom et les qualités de l’auteur. Celui-ci peut néanmoins garder son anonymat ou choisir un pseudonyme ;
  • Le droit au respect de l’œuvre : une modification, déformation ou mutilation de l’œuvre requiert impérativement l’autorisation de l’auteur. Par exemple, le sampling fait l’objet d’une autorisation de l’auteur de l’œuvre d’origine ;
  • Le droit de retrait et de repentir : même après avoir donné son autorisation, l’auteur peut faire cesser toute exploitation de son œuvre ou des droits qu’il a cédés, sous réserve d’indemnisation pour le tiers privé de son droit d’exploitation.

Le droit moral a des caractéristiques précises, il est :

  • Perpétuel : le droit moral n’est pas limité dans le temps et se transmet aux héritiers à compter du décès de l’auteur ;
  • Inaliénable : le droit moral ne peut pas être cédé à des tiers contre rémunération ;
  • Imprescriptible : le droit moral ne s’éteint pas du seul fait de son non-exercice par l’auteur.

 

Les droits patrimoniaux

Les droits patrimoniaux offrent à l’auteur et ses ayants droit, le droit d’autoriser les différents modes d’utilisation de son œuvre par des tiers et de percevoir une rémunération en contrepartie. Il peut ainsi autoriser ou interdire la reproduction et la représentation de son œuvre.

Le droit de reproduction permet à l’auteur de fixer matériellement une œuvre par tous types de procédés pour ensuite la communiquer de manière indirecte au public.

Par exemple, la reproduction, même partielle, d’un tableau dans un livre, d’un film en DVD ou d’un morceau sur un CD requiert l’autorisation de l’auteur, peu importe le support ou le moyen utilisé (impression, enregistrement audiovisuel ou sonore).

En cas d’exploitation non autorisée, l’utilisation frauduleuse du titre musical constitue une atteinte au droit d’auteur de la musique, on parle alors de plagiat musical.

Néanmoins, les droits d’auteur n’interdisent pas l’utilisation de l’œuvre pour des représentations privées et gratuites réalisées dans le strict cadre familial ou pour la réalisation de copies à usage privé. Il en va de même pour les analyses et courtes citations sous réserve de mentionner le nom de l’auteur et de la source.

Le droit de représentation permet à l’auteur d’autoriser ou d’interdire la représentation de sa musique, c’est-à-dire, sa communication au public par tout procédé, que ce soit par le biais d’un concert ou d’une télédiffusion par exemple.

À la différence de la reproduction, la représentation ne requiert pas de fixation sur un support.

Enfin, précisons qu’à l’inverse des droits moraux qui sont perpétuels, les droits patrimoniaux ont quant à eux une durée limitée. En effet, ceux-ci tombent dans le domaine public au-delà d’un délai de 70 ans à compter de l’année suivant le décès de l’auteur.

Autrement dit, l’œuvre pourra être exploitée librement et gratuitement sous réserve du respect des droits moraux des héritiers. Dans l’hypothèse d’une oeuvre de collaboration, la durée de protection des droits d’auteur s’achève soixante-dix ans après le décès du dernier auteur.

Toute œuvre de l’esprit peut-elle être protégée ?

Une œuvre de l’esprit n’est protégeable qu’à deux conditions :

  • L’œuvre doit être concrétisée : une idée seule n’est pas protégeable par le droit d’auteur ;
  • L’œuvre doit être originale : en effet, l’article L112-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que le droit d’auteur protège « toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination, pourvu qu’elles soient des créations originales ». Autrement dit, l’originalité constitue la clé pour actionner le droit d’auteur.

À défaut de précision sur ce critère dans les textes, 3 définitions de l’originalité ont émergé dans la jurisprudence.

  • L’empreinte de la personnalité de l’auteur : un critère subjectif à distinguer de la nouveauté. Une œuvre de l’esprit qui matérialise une idée qui n’est pas nouvelle n’en est pas moins originale en ce qu’elle porte la patte, le style, la conception personnelle du créateur. Classiquement, on prend l’exemple de deux peintres qui peigneraient le même paysage, chacun avec sa propre touche artistique ;
  • La marque de l’apport intellectuel de l’auteur : un critère généralement utilisé pour les œuvres fonctionnelles et pour les écrits plus techniques ou pratiques ;
  • L’expression des choix libres et créatifs de l’auteur : le critère le plus objectif qui exprime la capacité créative de l’auteur.

Précisons qu’il appartient à celui qui invoque la protection au titre du droit d’auteur d’établir et de caractériser l’originalité de son œuvre de l’esprit, qui sera appréciée par les magistrats en cas de procès.

Quels sont les autres régimes de protection à ne pas confondre avec les droits d’auteur ?

La protection de l’œuvre de l’esprit par le droit d’auteur ne doit pas être confondue avec d’autres systèmes de protection relevant d’autres régimes de droit :

  • Les brevets, marques, appellations d’origine et les dessins ou modèles industriels sont protégés par les droits de propriété industrielle figurant dans la seconde partie du code de la propriété intellectuelle. Par exemple, le logiciel considéré comme une œuvre de l’esprit et non comme une invention, est protégé par le droit d’auteur. Toutefois, il est possible d’obtenir un brevet portant sur un procédé inventif qui inclut un logiciel pour fonctionner, à condition que le brevet ne porte pas uniquement sur le programme d’ordinateur ;
  • Les actes de parasitisme, de dénigrement ou de confusion sont sanctionnés par le droit de la concurrence déloyale énoncé par le Code civil ;
  • Le respect de la vie privée, de l’honneur, de la réputation et de l’image est protégé par les droits de la personnalité également édictés dans le Code civil.

Ces différents modes de protection peuvent s’exercer cumulativement à la protection du droit d’auteur.

Mise en ligne : 4 février 2021

Rédacteur : Virgile DUFLO, Master 2 Droit des affaires à l’Université de Caen-Normandie. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.

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