Qu’est-ce que le délit d’initié ?
C’est l’article L465-1 du Code monétaire et financier (CMF) qui définit ce qu’est le délit d’initié :
« Constitue un délit d’initié le fait, en toute connaissance de cause et pour une personne disposant d’une information privilégiée, d’en faire un usage en réalisant, pour elle-même ou pour autrui, soit directement, soit indirectement, une ou plusieurs opérations ou en annulant ou en modifiant un ou plusieurs ordres passés sur l’émetteur ou l’instrument financier concerné par cette information privilégiée ».
L’initié est la personne disposant d’informations confidentielles dans l’exercice de sa fonction ou de sa profession. Ces informations soumettent, en principe, l’initié à une obligation de confidentialité, le contraignant à ne pas les utiliser, directement ou indirectement, pour manipuler des instruments financiers sur un marché réglementé.
Éléments constitutifs du délit d’initié
Une condition préalable : l’information privilégiée
L’information privilégiée est, de jurisprudence constante, assimilée à un renseignement précis. Plus encore, il s’agit d’une information « précise, confidentielle et de nature à influer sur le cours des valeurs » (Cour de cassation, chambre criminelle, 14 juin 2006, no 05-82.453).
La confidentialité s’entend du fait que l’information n’ait pas été diffusée au public. L’article 7 (a) du Règlement (UE) no 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 définit en ce sens l’information privilégiée comme une information précise « qui n’a pas été rendue publique, qui concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou le cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés ».
Bon à savoir : l’élargissement du cercle restreint d’avertis n’enlève pas pour autant le caractère confidentiel de l’information.
Le caractère privilégié de l’information est déterminé suivant une appréciation objective et non d’une analyse de celui qui reçoit ou utilise ladite information (Cour de cassation, chambre criminelle, 26 juin 1995, no 93-81.646).
L’élément matériel
Du point de vue matériel, le délit d’initié consiste en :
- L’exploitation d’une information privilégiée, ou ;
- La communication de celle-ci.
L’exploitation de l’information privilégiée se matérialise par la réalisation d’une ou plusieurs opérations ou en annulant ou en modifiant un ou plusieurs ordres passés sur l’émetteur ou l’instrument financier concerné par ladite information privilégiée.
L’information peut être exploitée pour soi-même ou autrui, par soi-même ou par l’intermédiaire d’un tiers.
Lorsque l’initié exploite lui-même l’information privilégiée, l’infraction sera consommée lors de la réalisation effective d’une ou plusieurs opérations. Par exemple, c’est le lancement de l’ordre de vente qui va consommer l’infraction.
La communication d’une information privilégiée, appelée le comportement de « dîner en ville », correspond au fait pour un individu de partager, à un tiers, une information dont il dispose dans le cadre de l’exercice de sa profession ou de ses fonctions, en dehors du cadre normal de sa profession ou de ses fonctions.
Bon à savoir : l’article L. 465-1, I, B, du Code monétaire et financier dispose toutefois que le simple fait de détenir une information privilégiée ne constitue pas pour autant un délit d’initié, à condition que le comportement l’individu soit légitime, au regard de l’article 9 du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relatif aux abus de marché.
L’élément intentionnel
Le délit d’initié est, par définition, une infraction intentionnelle. Il existe d’ailleurs une présomption de connaissance sur les initiés du premier cercle.
Un dol général est suffisant à la caractérisation de l’intention de commettre l’infraction. En effet, les juges n’exigent pas une « intention délictueuse spéciale » (TGI Paris, 19 décembre 1975).
Bon à savoir : le dol général correspond à la volonté de commettre un acte puni par la loi. Toutes les infractions intentionnelles sont au moins constituées d’un dol général. Pour ces infractions le dol général seul permet de caractériser l’élément moral. Le dol spécial, quant à lui, correspond à la volonté de l’auteur d’atteindre un résultat réprimé par la loi.
En outre, lorsque l’initié permet à un tiers de réaliser l’opération, l’intention frauduleuse peut être retenue « sans qu’il soit nécessaire que l’initié connaisse l’identité des opérateurs ni les modalités de l’opération réalisée » (affaire Péchiney, Cour de cassation, chambre criminelle, 26 octobre 1995, n°94-83.780).