Clause de cession forcée : tout savoir en 5 min

Comment est mis en œuvre le rachat forcé des parts d’un associé ? 

La clause de cession forcée, ou clause de rachat forcé, est une clause qui oblige un associé de l’entreprise à céder ses parts à une personne identifiée, dans certaines circonstances déterminées. 

En ce sens qu’elle permet d’exclure un associé de la société lorsqu’un événement déterminé, clair et objectif se réalise, la clause de cession forcée est une clause d’exclusion

À l’origine, l’exclusion d’un actionnaire était prévue par le Code de Commerce dans les statuts des SAS. 

La jurisprudence a peu à peu admis qu’elle s’étende aux autres formes de sociétés, et au pacte d’actionnaire sous sa forme de clause de rachat forcé. 

Elle reste toutefois une opération délicate. En effet, la mise en œuvre d’une telle clause répond à des exigences de rédaction et de consentement des associés contraignantes.  

Une clause de cession forcée qui porterait manifestement atteinte à la liberté de l’associé de demeurer dans sa société serait réputée non-écrite, et se retrouverait privée d’effets juridiques.

Vous souhaitez savoir comment opérer l’exclusion d’un actionnaire par le biais d’un rachat forcé ? Cet article est fait pour vous. 

Avocats en droit des affaires, nous pouvons vous aider à établir les relations futures avec vos associés. 

Quels sont les enjeux du rachat forcé des parts d’un actionnaire ? 

Le contexte de l’exclusion 

Les hypothèses dans lesquelles le rachat forcé des parts d’un associé devient nécessaire sont plus communes qu’il n’y paraît. 

L’exclusion d’un associé n’est pas toujours motivée par des intérêts personnels et des luttes de pouvoir. Elle peut naître : 

  • D’une violation par l’associé exclu des statuts qu’il a signés ; 
  • D’une incapacité avérée de l’associé exclu ; 
  • D’une immixtion de l’associé exclu dans une entreprise familiale, etc.

Parfois, la cession forcée naît de la volonté d’un associé fondateur de quitter la société. Elle permet de préserver les intérêts sociaux en transmettant les titres à d’autres fondateurs, ou à un investisseur. 

L’exclusion est encore courante à l’encontre d’une personne morale qui participerait à des activités concurrentes à celle de la société.

Elle est fondée, par exemple, dans le cas où une entreprise associée à la société change de contrôle et menace la liberté de ses activités. 

Dans ces contextes, l’enjeu de l’exclusion est toujours de protéger les intérêts de la société tout en respectant le droit de l’associé de demeurer librement dans sa société. 

En effet, ce droit est rattaché au droit de propriété de l’associé sur ses parts, qui est un droit fondamental reconnu et protégé. 

C’est la raison pour laquelle l’exclusion d’un associé est strictement encadrée par le droit des affaires. 

 

Qui peut être visé par la clause de cession forcée ? 

La clause de cession forcée repose sur l’énumération de motifs et situations susceptibles d’entraîner l’exclusion d’un associé. 

Au-delà, tout associé qui se retrouve dans une des situations énumérées dans la clause peut être exclu de la société. 

En d’autres termes, la clause de rachat forcé est davantage une clause au bénéfice de la société dans son ensemble que d’un actionnaire particulier. 

 

Comment se protéger de l’exclusion ? 

Toutefois, il est toujours possible d’aménager le jeu de la clause en y mentionnant expressément certains associés dont les titres ne pourront faire l’objet d’un rachat forcé. 

C’est une protection dont bénéficient notamment les associés fondateurs

Attention néanmoins à ce que cette protection ne devienne pas discriminatoire à l’encontre des autres associés. 

Si le motif d’exclusion est assez général et impersonnel (ex : violation des statuts) il est inconcevable qu’un associé en soit exclu, quelle que soit sa qualité. 

Comment rédiger une clause de cession forcée ? 

Sous la forme d’une promesse entre associés 

En pratique les clauses de cession forcée prennent la forme de promesses unilatérales de vente sous condition suspensive

Un associé s’engage, à condition qu’il se retrouve dans une des situations d’exclusion fixées par la clause, à revendre ses titres à un ou plusieurs autres associés, ou à un tiers.  

Elle se rapproche de cette manière des clauses de sortie forcée (ou clause de drag along), à ceci près que le but de la clause n’est pas le même.  

 

Quelles sont les conditions de validité de la clause de cession forcée ? 

Les conditions de forme 

Il s’agit d’identifier l’acte juridique qui supportera la clause.

Doit-elle être inscrite dans les statuts de la société, ou dans le pacte d’associés ? 

La différence qui s’impose en la matière est que les statuts sont toujours signés par tous les associés, alors que les actionnaires peuvent ne pas adhérer au pacte d’associés

La clause d’exclusion, dans sa rédaction prévue à l’origine par le Code de Commerce, était insérée aux statuts de la SAS. 

Ainsi, chaque actionnaire qui en subissait les effets était réputé avoir pris connaissance des risques auxquels il s’exposait au moment de la signature des statuts. 

En revanche, le juge a pu refuser le jeu d’une clause d’exclusion inscrite uniquement dans le pacte d’associés. 

L’associé qu’elle visait n’avait pas nécessairement consenti à une telle exclusion. 

En effet, l’existence de ce consentement est la seule manière de rendre tolérable l’atteinte au droit de propriété de l’associé sur ses parts. 

C’est pourquoi, si vous souhaitez donner une certaine efficacité à votre clause de cession forcée, il est conseillé de la prévoir dans les statuts

Inscrite dans le pacte d’associés, elle ne s’appliquera en principe qu’à ses signataires. 

Les conditions de fond 

Ces conditions visent surtout à énumérer de la manière la plus exhaustive qui soit les motifs d’exclusion de l’associé. 

Plus précis seront les motifs, et plus le mécanisme de rachat forcé sera sécurisé.

En revanche, une clause imprécise est créatrice de litiges

Bon à savoir : pensez également à prévoir le prix de cession des titres de l’exclu, ou l’intervention d’un expert pour éviter une exclusion contentieuse. 

En outre, ces motifs doivent objectivement être exposés dans la clause : les évènements susceptibles de mettre en jeu la clause de cession forcée ne doivent pas laisser de place à une interprétation subjective

Si ces conditions n’étaient pas respectées, la clause serait nulle d’effets car elle porterait une menace disproportionnée sur le droit de propriété de l’exclu sur ses parts.  

Dans l’hypothèse où l’associé entrerait dans une des situations prévues par la clause, celle-ci devra prévoir un processus pour l’informer de la mise en jeu de la clause de rachat forcé.  

Comment est mise en œuvre la clause de cession forcée ? 

Une fois que l’associé constate et vérifie un des motifs énoncés dans la clause, celui-ci doit en informer la société. 

La clause, laisse à un organe de la société qu’elle désigne, la décision de procéder au rachat forcé ou non. Cette décision valide le motif d’exclusion. 

Bon à savoir : si cette décision est déléguée à l’Assemblée Générale, l’associé exclu a droit de participer au vote portant sur sa propre exclusion. 

Il appartient alors aux autres associés de lever l’option de rachat pour accomplir la cession forcée des titres.  

 

Un associé peut-il échapper à son exclusion ? 

Juridiquement : 

  • l’associé exclu est un promettant ;
  • Les autres associés sont bénéficiaires de la promesse ; 
  • L’organe de décision valide accomplissement de la condition suspensive. 

Le défaut de motif d’exclusion 

En droit des contrats, la défaillance de la condition suspensive dans la promesse unilatérale rend caduque la promesse

Cela signifie que, si l’organe de décision devait constater qu’il n’y a pas motif à exclure l’associé, alors la promesse s’éteindrait. 

L’actionnariat de la société reviendrait à la situation où il était avant mise en jeu de la clause de cession forcée. La clause continuerait d’exister. 

La clémence des bénéficiaires

Toutefois, une fois que l’organe compétent a décidé de procéder à la cession forcée, la promesse de cession est parfaite

Si les actionnaires réclament leurs titres après cette décision, l’actionnaire exclu n’a d’autre choix que de les céder, au risque de s’exposer à une exécution forcée par le juge. 

Il n’appartient pas au promettant de décider de ne plus céder ses titres. Seuls les bénéficiaires peuvent décider de ne pas faire usage de leur droit. 

Or, à ce sujet, deux limites s’imposent. 

D’une part, il est peu probable que des associés soient cléments vis-à-vis d’un associé fautif au regard de l’intérêt social.

De même, il est improbable qu’ils refusent une opportunité de prendre des parts dans la société. 

D’autre part, les associés seront toujours libres de lever l’option de rachat un jour ou l’autre, et l’associé exclu ne dispose d’aucune garantie contre ce risque.

En effet, son retrait pendant ce laps de temps n’empêcherait guère la cession de ses titres. 

Mise en ligne : 25 juin 2021

Rédacteur : Charles DELIE, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN, avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.

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