Cession d'un fonds de commerce électronique : tout savoir

Cession de fonds de commerce électronique : procédure et formalités

La vente d’un site internet de e-commerce est analysée, par l’administration fiscale française, comme une cession de fonds de commerce électronique dès lors qu’une clientèle est rattachée au site internet en question.

Qu’est-ce que cela signifie ?

Concrètement, cela signifie que si vous vendez votre site internet en signant un simple contrat de vente (contrat de cession) sur un site de mise en relation entre des acheteurs et des vendeurs, vous encourez d’importants risques de redressement fiscal.

Pourquoi ?

Tout simplement car l’administration fiscale est censée percevoir des droits d’enregistrement, de la TVA, une taxe sur la plus-value réalisée ainsi que la contribution économique territoriale dans le cadre de cette opération, qu’elle ne perçoit pas dans le cadre d’un simple contrat de vente.

Depuis quand parle-t-on de cession de fonds de commerce électronique ?

La problématique de la cessions de fonds de commerce électronique a vu le jour au 21ème siècle, considéré comme l’ère du numérique avec un développement exponentiel du commerce électronique qui devient un véritable enjeu économique.

Des sociétés ayant une activité exclusive sur internet peuvent réaliser un énorme chiffre d’affaires. Pour un exemple parmi d’autres, on peut citer la multinationale Amazon dont le PDG n’est autre que Jeff Bezos, deuxième homme le plus riche du monde…

Le contenu véhiculé sur internet et les modalités d’exploitation de sites internet marchands donnent lieu à l’application de différentes réglementations.

L’Europe représente aujourd’hui 30% du chiffre d’affaires e-commerce mondial. La France en particulier est le deuxième marché e-commerce d’Europe derrière le Royaume-Uni et devant l’Espagne et l’Italie.

Le commerce électronique a généré un chiffre d’affaires de 20 milliards d’euros.

Avant de poursuivre la lecture sur ce qu’est un fonds de commerce électronique, entendons-nous d’abord sur la notion de commerce électronique.

Qu’est-ce que le commerce électronique ?

La notion de commerce électronique est complexe et difficilement appréhendée par le législateur français. Il a fallu attendre l’article 14 de la loi du 21 juin 2004 relative à la confiance dans l’économie numérique pour que le commerce numérique soit défini comme «l’activité économique pour laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services».

De cette définition, deux conséquences doivent être comprises : le commerce électronique présente deux caractéristiques essentielles et cumulatives :

  • Il s’agit d’un commerce à distance et,
  • Réalisé par voie électronique.

Quels sont les enjeux économiques ?

La cession d’un fonds de commerce dit « classique » ou « traditionnel » est l’un des actes les plus importants de l’activité des commerçants. Vendre un fonds de commerce revient à vendre les outils que son propriétaire a su mettre en œuvre pour développer son activité commerciale.

La cession d’un fonds de commerce électronique revient à céder à la fois le site internet qui est un bien immatériel et le fonds de commerce rattaché à ce site, c’est-à-dire l’activité commerciale qu’il représente.

La cession d’un tel bien est devenue un enjeu économique majeur au cœur de la transition numérique.

Si vous êtes détenteur d’un site de e-commerce et que vous souhaitez le céder à un tiers acquéreur ou que vous souhaitez acquérir un site de e-commerce, cet article est fait pour vous.

Il a pour objectif de détailler la procédure applicable à la cession d’un fonds de commerce électronique afin de vous éviter un redressement fiscal.

Avocats en droit des affaires, nous pouvons vous accompagner dans le cadre de la cession d’un fonds de commerce électronique.

Qu’est-ce qu’un fonds de commerce électronique ?

Le fonds de commerce dit « classique » ou « traditionnel » se compose d’éléments corporels et incorporels affectés à l’exploitation d’une activité commerciale ou industrielle.

C’est la valeur des éléments qui composent ce fonds de commerce qui va permettre de déterminer son prix de cession.

Les éléments corporels font référence à des éléments concretstangiblespalpables et réels, par exemple, le mobilier présent dans votre local ou encore l’outillage.

Dans le cadre de l’exploitation d’un commerce en ligne, le prix du fonds de commerce dépendra uniquement de la valeur de ses éléments incorporels.

Contrairement aux éléments corporels, les éléments incorporels sont des biens ou des valeurs économiques qui n’ont pas d’existence matérielle.

Dans le cas spécifique d’un site de e-commerce, les éléments du fonds du commerce sont :

  • Le nom de domaine ;
  • Les adresses électroniques ;
  • La charte graphique ;
  • Le programme de logiciel ;
  • Les contrats d’hébergements et de création du site ;
  • Les réseaux sociaux.

Néanmoins, il faut avoir en tête que l’élément incorporel le plus essentiel d’un fonds de commerce est la clientèle qui y est rattachée.

En effet, la clientèle est l’élément fondamental du fonds de commerce, que le commerce en question soit exploité en ligne ou en physique.

La Cour de cassation considère ainsi qu’il n’existe pas de fonds de commerce lorsqu’il n’y a pas de clientèle attachée à celui-ci (Com. 31 mai 1988 n°86-13.486).

Autrement dit, pas de fonds de commerce sans clientèle.

C’est donc la détermination de l’existence d’une clientèle rattachée au fonds qui permet de déterminer le régime applicable à la cession en question.

En pratique, il faut donc distinguer l’exploitation d’un site internet « vitrine », lequel n’offre à la vente aucun produit ni service, de l’exploitation d’un site « e-commerce » sur lequel des internautes peuvent effectivement acheter des biens ou des services et sont donc considérés comme des clients.

D’ailleurs, bien que relevant d’un autre temps (mais le parallèle reste pertinent à défaut d’arrêt récent sur le sujet), la Cour d’appel de Paris a déjà eu l’occasion d’affirmer, à propos du Minitel, que l’exploitant d’un service présent sur le minitel détenait une clientèle personnelle et distinct de celle de France Télécom (CA de Paris, 4e chambre du 28 janvier 2005).

Autrement dit, à partir du moment où il est possible de commercialiser des objets ou services sur un minitel ou un site internet, une clientèle existe. Cette clientèle est un élément essentiel du fonds de commerce de son exploitant.

À ce stage, il est crucial de rappeler la différence entre la cession d’un site internet «vitrine», lequel ne répond pas à la réglementation applicable à la cession d’un fonds de commerce puisqu’aucune vente n’est réalisé sur ce site, de la cession d’un site de «e-commerce» dont l’objectif est justement la réalisation de ventes.

Ainsi, pour résumer :

  • Site internet vitrine = pas de vente réalisée = pas de clientèle = pas de cession de fonds de commerce électronique. Un simple contrat de vente suffit  ;
  • Site internet e-commerce = réalisation de ventes = existence d’une clientèle = cession de fonds de commerce électronique. La signature d’un simple contrat de vente vous expose à d’importants risques de redressement fiscal.

Comment procéder à la cession d’un fonds de commerce électronique ?

La cession d’un site internet marchand suppose de respecter les formalités légales prévues par le Code de commerce aux articles L.141-1 et suivants.

La cession d’un fonds de commerce électronique comprend deux choses :

  • Le site internet ;
  • L’activité commerciale qu’il représente.

Il s’agit de détailler chacun des éléments qui composent le fonds de commerce électronique, pour appliquer le régime juridique applicable.

Comme indiqué ci-dessus, l’élément majeur et capital dans le cadre d’une exploitation commerciale, c’est la clientèle attachée à cette activité.

Il convient donc de bien comprendre comment céder cette clientèle.

La cession de clientèle d’un fonds de commerce électronique

En matière de e-commerce, la clientèle rattachée à une exploitation commerciale s’identifie au moyen d’un fichier clients.

Qu’est-ce qu’un fichier clients ?

Le fichier clients représente un actif incorporel de l’entreprise. Ce fichier peut être présenté sous forme papier ou informatique, et a la même valeur marchande que la clientèle qu’il contribue à identifier.

Parce que ce fichier comporte des données à caractère personnel, il doit répondre aux conditions dictées par le RGPD, en application de la Loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, modifiée par la loi du 20 juin 2018.

Quelles sont les conditions à respecter lors de la cession d’un fichier clients ?

Il y a des conditions à respecter lors de la constitution du fichier.

Ces conditions doivent donc avoir été respectées par le cédant du fichier en question.

Pour que ce fichier soit conforme à la réglementation en vigueur, le cédant doit avoir :

  • Recueilli le consentement exprès des clients ;
  • Informé les clients de leur droit de retirer leur consentement à tout moment ;
  • Limité l’usage des données à une finalité mentionnée lors de la collecte de celles-ci ;
  • Permis aux clients d’exercer leurs droits d’accès aux informations.

Il est également impératif pour le cédant d’avoir déclaré son fichier clients auprès de la CNIL, en application de l’article 22 de la loi Informatique et Libertés.

La Cour de Cassation a eu l’occasion d’affirmer que la vente d’un fichier clients non déclaré à la CNIL devrait être sanctionné par la nullité en raison de l’illicéité de son objet (Cass. Com. 25 juin 2013 n° 12-17.037).

Lors de la cession au bénéfice du cessionnaire (l’acheteur), il est impératif que le cédant (le vendeur) recueille le consentement du client.

Néanmoins, cette formalité peut être anticipée si au moment de la collecte, le cédant a recueilli le consentement du client relatif à une éventuelle cession des données ultérieure.

Il y a ensuite des conditions à respecter lors de la cession du fichier clients, qui doivent être respectées par le cessionnaire.

Le cessionnaire devra informer les clients du transfert de leurs données.

Attention, ces derniers peuvent s’y opposer.

Sachez que les sanctions en cas de non-respect de ces formalités peuvent s’avérer extrêmement sévères.

L’article L.226-18 du Code pénal dispose que la collecte de données à caractère personnel par un moyen frauduleux, déloyal ou illicite est punie de cinq ans d’emprisonnement et de 300 000€ d’amende.

Après avoir procédé à la cession du fichier clients, il faut ensuite évoquer la cession des contrats nécessaires à l’exploitation du fonds de commerce électronique.

La cession des contrats nécessaires à l’exploitation du fonds

Le contrat de cession du fonds de commerce électronique comporte nécessairement des contrats nécessaires à l’exploitation du fonds.

L’acte de cession doit donc impérativement prévoir la cession :

  • Du contrat d’hébergement ;
  • Des contrats de référencement du site.

Il est impératif de comprendre que la valeur d’un site e-commerce repose principalement sur son référencement, c’est-à-dire sur la position qu’il occupe dans les résultats des différents moteurs de recherches, et principalement Google.

Être bien référencé sur Google vaut de l’or : les conséquences seront que votre site internet apparaîtra dans les premiers résultats de recherche effectués par les internautes et clients, lesquels seront tentés de se référer à votre site en priorité.

Réaliser un audit préalable du niveau de référencement du site que vous entendez acquérir est une formalité à laquelle vous devez impérativement vous résoudre.

Il est constaté en pratique que certains vendeurs ont recours à des pratiques frauduleuses pour gonfler artificiellement le référencement du site, en faisant appel à des achats de clics.

Pour assurer la véracité des éléments comptables avancés par le vendeur, il est fortement conseillé de lui demander de vous communiquer ses bilans et comptes de résultat, ainsi qu’une attestation de chiffre d’affaires effectuées depuis la date de clôture du dernier exercice comptable.

Une fois ces documents réceptionnés, il faut encore vérifier l’identité du prestataire (expert-comptable) qui a établi les comptes et l’attestation pour vous assurer de leur véracité.

D’autres comptes sont également essentiels pour l’exploitation du site e-commerce.

Il peut s’agir des comptes de réseaux sociaux ou encore, de certains accords conclus avec divers prestataires tels que les contrats d’affiliation qui permettent d’intégrer un réseau dans le but de favoriser la rentabilité commerciale de l’activité exercée.

Dans le cadre de la cession d’un fonds de commerce électronique, il est également impératif de s’interroger sur la transmission des droits de propriété intellectuelle.

La transmission des droits de propriété intellectuelle

Il faut bien comprendre que la conception d’un site internet nécessite l’intervention de plusieurs prestataires tels que des développeurs, des graphistes ou encore des photographes. Ces apports représentent juridiquement des œuvres de l’esprit, auxquelles sont attachées des droits de propriété intellectuelle.

Il est impératif de vérifier que le cédant du site soit titulaire des droits de propriété intellectuelle sur l’intégralité des éléments qui composent le site marchand.

Pour vérifier cette titularité des droits, il faut se référer aux contrats d’entreprise qui ont été conclus avec chacun des prestataires et vérifier que les prestations réalisées incluaient bien le transfert de l’ensemble des droits de propriété intellectuelle.

En cas de doute sur le transfert de ces droits, il est toujours possible de faire appel aux prestataires pour leur faire signer un acte (un contrat en pratique) constatant le transfert des droits au profit du nouveau propriétaire du site.

S’agissant spécifiquement du nom de domaine, c’est-à-dire de votre identifiant sur internet, il est conseillé à l’acquéreur du fonds de commerce électronique d’inclure une clause de garantie de jouissance paisible.

En effet, il est fort probable que le cédant (pour rappel, le vendeur du site), ait voulu protéger le nom de domaine de son internet. Pour ce faire, il a dû enregistrer le nom de domaine en question à titre de marque pour bénéficier d’une protection renforcée.

La clause de garantie de jouissance paisible permettra au nouvel acquéreur de se constituer une preuve de sa bonne foi en cas d’action en contrefaçon dirigée contre lui qui pourrait engendrer la perte d’exploitation du fonds.

En plus de porter une attention particulière à l’objet du contrat de cession d’un fonds de commerce électronique, sachez que des formalités de publicité doivent être obligatoirement réalisées pour parfaire l’opération.

Les formalités administratives

Des formalités de publicité doivent impérativement être réalisées pour que l’acte de cession de fonds de commerce électronique soit formalisé juridiquement.

Ainsi, dans le cadre de la vente d’un fonds de commerce électronique, les parties disposent de 15 jours après la date du contrat pour publier la cession au BODACC.

Cette publicité a pour objectif d’avertir les créanciers de l’existence de cette opération.

En tant que nouveau propriétaire du site, il est également conseillé d’avertir les clients de ce changement d’interlocuteur. Pour ce faire, vous pouvez informer vos nouveaux clients directement sur le site internet.

De plus, l’acheteur du fonds doit enregistrer l’acte de vente auprès du bureau de l’enregistrement du service des impôts du lieu de situation du fonds.

Cet enregistrement permettra de déterminer le montant des droits d’enregistrement qui devront être payés lors de la présentation de l’acte de formalité.

Mise en ligne : 1er décembre 2020

Rédacteur : Margaux DUTERNE, Master 2 en Droit européen et international des affaires à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.

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