Contrat de préférence éditoriale : comprendre l'essentiel

Tout comprendre sur la préférence éditoriale en droit de la musique

Le contrat de préférence éditoriale est un accord signé entre un artiste et un éditeur. Il constitue une garantie pour l’éditeur

En effet, pour lancer la carrière de l’artiste, l’éditeur prend le risque d’investir dans son projet musical. Via le contrat de préférence éditoriale, il rentabilise ses investissements sur le long terme en s’assurant des droits sur les œuvres postérieures du même artiste. 

Il est fondamental de saisir la distinction entre contrat de préférence éditoriale et contrat de musique d’édition. Le premier est facultatif tandis que le second est nécessaire. 

Vous êtes artiste et vous hésitez à conclure un contrat de préférence éditoriale avec votre éditeur ? Cet article est fait pour vous. 

Avocats en droit de la musique, nous pouvons vous accompagner dans vos projets musicaux. 

Quelle est la définition du contrat de préférence éditoriale

Le contrat de préférence éditoriale est un contrat par lequel l’artiste s’engage à céder en priorité tout ou partie des droits qu’il possède sur ses œuvres à un éditeur.

Il est souvent désigné par l’appellation « pacte de préférence » dans l’édition musicale

Cette cession de droits doit porter : 

  • Sur un genre défini d’œuvres musicales ; 
  • Sur un nombre déterminé d’œuvres musicales. 

L’éditeur a un délai de 3 mois à compter du transfert de l’œuvre musicale par l’artiste pour lever l’option. Autrement dit, il a 3 mois pour accepter d’acquérir les droits sur cette œuvre. 

Deux hypothèses sont envisageables : 

  • Si l’éditeur ne lève pas l’option, l’artiste peut conclure un contrat d’édition avec un autre éditeur ; 
  • Si l’éditeur lève l’option, l’artiste ne peut pas conclure un contrat d’édition avec un autre éditeur. 

Bon à savoir : la loi fait peser un devoir d’information sur l’éditeur. Ce dernier doit informer l’artiste des conséquences de la signature d’un contrat de préférence éditoriale.

Quelles sont les implications du contrat de préférence éditoriale pour l’artiste ? 

Lorsqu’un artiste signe un contrat de préférence éditoriale, il s’engage à céder à l’éditeur ses droits sur l’œuvre musicale visée par le contrat. 

 

L’obligation de cession des droits par l’artiste 

Cette cession est une obligation pour l’artiste.

S’il ne transmet par ses droits sur l’œuvre musicale à l’éditeur cocontractant, ou s’il les transmet à un autre éditeur, alors il engage sa responsabilité

Certains artistes mettent en œuvre des montages juridiques afin de s’exonérer de cette obligation de cession. Ces montages sont essentiellement au nombre de deux : 

  • L’oeuvre enregistrée sous un pseudonyme
  • L’œuvre enregistrée sous le nom d’une personne-écran.

Toutefois, cette pratique est risquée, puisque sanctionnée

 

L’obligation de cession d’un « manuscrit » 

La loi prévoit la transmission d’un « manuscrit » par l’artiste à l’éditeur. 

Ce terme n’est pas adapté au monde contemporain de la musique. Ce sont le plus souvent des supports sonores qui sont transmis. Ces supports peuvent prendre diverses formes : 

  • Des CDs
  • Des fichiers USB
  • Des fichiers internet ;
  • Etc. 

Bon à savoir : il est important de se rapprocher d’un conseiller juridique qui pourra vous assister dans votre envoi. De fait, tous les éditeurs ne respectent pas le formalisme légal et n’accusent pas réception de votre envoi. Or, il est essentiel de fixer une date précise à cet envoi puisque c’est à compter de cette date que commence à courir le délai de levée d’option.

Quelles sont les implications du contrat de préférence éditoriale pour l’éditeur musical ?

Il revient à l’éditeur musical d’exercer ou non son droit de préférence sur l’œuvre de l’artiste.

Cet exercice du droit de préférence est appelé une levée d’option.  

 

La levée d’option par l’éditeur 

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit que l’éditeur a un délai de 3 mois pour lever l’option. Ce délai commence à courir à compter de la transmission par l’artiste de son œuvre musicale.

Bon à savoir : aucune clause ne peut prévoir que le silence de l’éditeur au-delà de ce délai vaut acceptation et donc levée de l’option. Une telle clause est nulle. 

Cette opération d’acceptation des droits sur l’oeuvre visée doit se faire par écrit : 

  • Soit par lettre recommandée
  • Soit par signature de contrats expressément prévus à cet effet. 

Une fois l’acceptation manifestée par écrit, la cession s’opère et c’est l’éditeur qui devient immédiatement titulaire des droits sur l’œuvre musicale. 

La difficulté du pacte liant plusieurs artistes

Il arrive que plusieurs artistes participent à la réalisation d’une même œuvre musicale. Cela rend plus difficile l’exécution des contrats de préférence éditoriale.

En effet, il est fréquent que l’un des artistes seulement soit lié à l’éditeur par un pacte de préférence. C’est le cas en matière : 

  • D’oeuvre de collaboration (oeuvre issue d’une coopération entre 2 artistes) ; 
  • D’œuvre composite (œuvre nouvelle intégrant une œuvre préexistante d’un autre auteur). 

Bon à savoir : dans ce cas, il est opportun de se rapprocher d’un avocat qui vous indiquera la marche à suivre et l’attitude à adopter vis-à-vis de l’éditeur. 

Le refus de levée d’option par l’éditeur 

Le Code de la propriété intellectuelle prévoit la possibilité pour l’éditeur de refuser la cession des droits sur l’œuvre transmise. Juridiquement, on dit qu’il ne lève pas l’option. 

Toutefois, il est extrêmement rare qu’un éditeur refuse d’acquérir les droits sur une œuvre musicale. 

L’hypothèse la plus fréquente est celle dans laquelle l’éditeur n’a pas manifesté son acceptation avant l’écoulement du délai de 3 mois.

Cette situation peut résulter : 

  • D’un oubli : auquel cas l’artiste sera libre de conclure un contrat d’édition avec un autre éditeur portant sur l’oeuvre musicale refusée exclusivement ; 
  • D’un refus : auquel cas l’artiste sera libéré des obligations résultant du contrat de préférence éditoriale dès que 2 de ses œuvres auront été refusées successivement par l’éditeur. 

Bon à savoir : ces modalités de levée d’option sont impératives. Autrement dit, la clause du contrat de préférence éditoriale qui aménage plus souplement ces modalités est nulle.

Quelles sont les limites au contrat de préférence éditoriale

Il n’existe aucun contrat de préférence éditoriale “type”. 

Autrement dit, le contrat peut prendre toutes les formes dans la mesure où il respecte les limites légales du droit de préférence. 

Le droit de préférence est doublement limité. On retrouve : 

  • D’abord, une limite de genre
  • Ensuite, une limite de nombre ou de durée. 

 

La limite de genre 

Le genre des œuvres musicales visées par le contrat doit être expressément déterminé.

Exemples : œuvres de variétés, blues, funk, rock, etc. 

Dans ce contexte, certaines mentions sont fréquentes. Vous risquez donc de rencontrer dans votre pacte de préférence les mentions : 

  • « Morceaux musicaux » ou « oeuvres musicales sans paroles »
  • « Chansons de variété avec ou sans paroles »
  • « Musiques de films ou de cinéma ou de TV »
  • « Musiques de films publicitaires ou de messages radiophoniques publicitaires » ou « œuvres musicales destinées à un film publicitaire ».

L’artiste s’engage à céder les droits des seules œuvres musicales qui répondent aux genres prévus dans le contrat de préférence éditoriale. 

Toutefois, certaines de ces catégories semblent englober la majorité des œuvres musicales (« morceaux musicaux » ou « chansons de variété avec ou sans paroles »). La limite de genre est donc presque artificielle

 

La limite de nombre ou de durée 

Une seconde limite au droit de préférence tient :

  • Soit au nombre d’oeuvres musicales de l’artiste dont les droits doivent être cédés à l’éditeur ; 
  • Soit à la durée durant laquelle les droits des œuvres musicales de l’artiste doivent être cédés à l’éditeur. 

L’un de ces éléments, au moins, doit être déterminé au moment de la signature du contrat de préférence éditoriale. Cela permet de s’assurer que le droit de préférence est limité dans le temps. 

Il est fréquent que ce soit la durée du pacte de préférence en musique qui soit déterminée plutôt que le nombre d’œuvres musicales faisant l’objet du droit de préférence.

La durée d’un contrat de préférence éditoriale est en principe de 3 ans. Ce délai commence à courir à compter de l’édition de la première œuvre faisant l’objet du droit de préférence. 

La durée d’un contrat de préférence éditoriale peut aller jusqu’à 5 ans. Il est notamment possible pour l’éditeur de renouveler le premier contrat de 3 ans. Toutefois, la durée des contrats cumulés ne peut jamais dépasser 5 ans. 

Bon à savoir : les montages juridiques tels que le pacte répétitif ou le recours à un éditeur tiers sont sanctionnés par le juge. Il peut être judicieux de se rapprocher d’un avocat qui vous conseillera sur la légalité de votre situation. 

Rédacteur : Prescilia Boukaroui, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN, avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.