Clause de ratchet : tout savoir en 5 min

Qu’est-ce que le mécanisme de la clause de ratchet en droit des affaires ? 

La clause de ratchet est une clause du pacte d’associés qui garantit un actionnaire contre la dévalorisation éventuelle de sa participation dans la société. 

Le mécanisme de ratchet est un mécanisme très complexe en droit des affaires, qui concerne une conjoncture financière très précise dans l’entreprise. 

Pour autant, s’il est compris, et convenablement préparé par les associés dans une clause de ratchet, peut s’avérer bénéfique pour la société en sécurisant ses investisseurs

Ce faisant, il vous permettra également de trouver des investisseurs plus facilement.

Vous êtes investisseur, et souhaitez assurer la valeur de vos parts sociales contre une dévalorisation de la société ? Cet article est fait pour vous. 

Avocats en droit des affaires, nous pouvons vous accompagner dans les opérations de valorisation de vos parts sociales. 

Qu’est-ce qu’une opération de ratchet

 

Contexte de l’opération de ratchet

Dans la pratique, le mécanisme de la clause de ratchet est lié aux problématiques de valorisation des actifs d’une société.  

Dépréciation de la valeur du capital social 

La valeur d’une société et de son capital social n’est jamais qu’une opinion que se fait le marché à un instant donné sur sa capacité à créer des richesses futures. 

Si le capital social d’une entreprise est déprécié par le marché (par exemple, parce que la croissance de son chiffre d’affaire diminue), alors les titres de ses actionnaires seront dévalués à leur tour. 

En effet, la préservation des relations de pouvoir dans la société implique de maintenir le taux de participation de chaque associé, quelle que soit la valorisation du capital social. 

Si celui-ci est réduit, la valeur des parts de chaque associé doit être proportionnellement réduite afin de laisser inchangée la structure de participation de la société. 

Exemple

Soit le capital social d’une société qui s’élève à 1000 € divisé en parts sociales d’une valeur nominale unitaire de 2 €. 

Si un actionnaire détient 50 parts, alors sa participation en capital social s’élève à 100 €. Elle est valorisée à 10 % du capital social.  

Si la valeur du capital social est dépréciée à 500 €, il ne sera pas considéré que l’associé détient désormais 100/500=20% du capital social. 

La logique est inverse : détenant 10% du capital social, la valeur réelle de sa participation s’élève désormais à 50 € au lieu de 100. 

 

Nouveau tour de financement 

La dévaluation des parts détenues par un actionnaire peut également résulter d’une émission par la société qu’il finance de titres à un prix inférieur à celui qui lui a été proposé. 

Une telle émission peut advenir au cours d’une augmentation de capital par exemple.

Dans ce cas, les effets du marché financier finiront par ramener la valeur vénale des titres de l’actionnaire à la nouvelle valeur émise. 

En effet, sur le marché, l’actionnaire sera contraint d’aligner la valorisation de ses parts sur le nouveau prix de vente, au risque de ne pas trouver d’acheteurs. 

 

Pourquoi recourir à une clause de ratchet

L’investisseur voit d’un mauvais œil ces réductions de la valeur vénale de ses parts.  

En effet, l’associé investisseur, à l’inverse de l’associé fondateur, n’est pas intéressé par le pouvoir dans la société, mais par le montant qu’il pourra tirer de la revente de ses parts. 

Si un tel risque de dévaluation de sa participation se présente, il sera moins enclin à investir dans la société. 

En ce sens, la dévaluation des titres dessert aussi l’associé fondateur qui a besoin des ressources financières de l’investisseur. 

Le droit des affaires peut protéger l’investisseur contre cette dévalorisation, et servir les associés fondateurs. 

Au moment de la signature du pacte d’associés, ou au moment de la souscription à une augmentation de capital, l’investisseur peut négocier une clause de ratchet qui lui donne le droit de revaloriser sa participation à moindre coût. 

La clause n’a pas pour effet d’augmenter la valeur des titres détenus par l’investisseur. 

Elle lui donne le pouvoir d’acquérir de nouvelles actions, et par effet quantité, de ramener la valeur totale de sa participation à sa valeur initiale. 

En reprenant l’exemple ci-dessus, la valeur vénale unitaire de chaque part a chuté à 1 €. L’investisseur lésé pourrait souscrire 50 actions supplémentaires pour se ramener à une participation totale de 100 €. 

Si la valeur unitaire de chaque action diminue, alors il est permis à l’investisseur d’augmenter le nombre de titres qu’il détient dans la société. 

C’est un phénomène de « cliquet », qui se traduit « ratchet » en anglais. 

Comment rédiger une clause de ratchet

Sous la forme d’une promesse unilatérale de cession d’actions sous condition suspensive

Dans cette hypothèse, l’investisseur lésé va pouvoir revaloriser sa participation en capital sans investir dans de nouvelles actions. 

La clause de ratchet stipule que les associés fondateurs s’engagent à céder à l’investisseur autant d’actions nécessaires à revaloriser sa participation si sa valeur est dépréciée

La cession s’effectue à un prix symbolique (en général, la valeur nominale de la part). 

C’est une forme de ratchet qui a l’avantage d’être simple d’application, car elle n’impose pas l’émission de nouveaux titres. 

 

Les fondateurs promettants peuvent-ils se rétracter ? 

Rédigée sous cette forme, la clause de ratchet est soumise au droit commun des contrats issu de la réforme du 10 février 2016. 

Cette réforme a notamment modifié le régime des promesses unilatérales

Une fois que l’investisseur réclame les parts promises, l’associé fondateur ne peut bien entendu plus les lui refuser. Du reste, le juge pourrait en forcer la cession. 

L’associé fondateur ne peut pas non plus se dédire de la promesse faite à l’investisseur avant que celui-ci ne réclame son dû. 

En effet, l’article 1124 du Code Civil dispose que la rétractation de l’associé fondateur avant levée de l’option de cession par l’investisseur n’empêche pas la mise en œuvre de la clause de ratchet

 

Sous la forme d’une clause anti-dilution 

Dans cette seconde hypothèse, l’investisseur va pouvoir revaloriser sa participation en profitant d’une augmentation de capital

C’est une rédaction adaptée à l’hypothèse d’un nouveau tour de financement défavorable à l’investisseur. 

La clause de ratchet agit alors à titre de précaution, en permettant à l’investisseur de réserver une partie du capital social augmenté. 

L’investisseur acquiert des valeurs mobilières qui lui permettront, au moment de l’augmentation de capital, d’acquérir un certain nombre d’actions nouvelles en compensation de sa participation dépréciée. 

Bon à savoir : une valeur mobilière est un instrument financier qui dote son détenteur de droits sur les actions d’une société. La plupart du temps, le ratchet est mis en œuvre par le jeu de bons de souscription d’actions (BSA), appelés BSA ratchet. Ce sont des valeurs mobilières qui permettent à l’investisseur d’acheter des actions nouvelles à un prix de souscription déterminé à l’avance.  

Le rôle de la clause de ratchet dans ce cas est d’organiser les conditions d’acquisition et de conversion des valeurs mobilières. 

En particulier, elle établit des règles de calcul qui permettent de déterminer le prix de souscription des nouveaux titres, qui peut être plus (weighted average ratchet) ou moins (full ratchet) élevé selon la contrepartie financière exigée par les fondateurs. 

De ce prix de souscription est déduit le nombre d’actions nouvelles auxquelles chaque valeur mobilière donne droit. 

Quelles limites au jeu de la clause de ratchet

Les risques liés à l’exercice d’un ratchet 

Vous l’avez compris, le mécanisme de ratchet repose sur celui de dilution et de relution du capital

Le ratchet permet à l’investisseur lésé de se reluer : celui-ci augmente la part du capital social qu’il détient pour pallier la dévalorisation de ses titres. 

Or, quel que soit le mécanisme adopté, les associés fondateurs s’exposent à un risque de perte de pouvoir sur leur société et sur son activité. 

Dans le cas d’une promesse unilatérale, les associés fondateurs sont contraints d’abandonner leurs propres parts aux investisseurs.

À capital inchangé, si l’investisseur augmente sa participation en capital, c’est que les autres associés diminuent leur propre participation.  

Dans le cas d’une conversion de valeurs mobilières, même si les investisseurs conservent leur part, l’augmentation de capital les expose au risque que de nouveaux actionnaires s’accaparent une large part des titres de la société. 

Dans tous les cas, le ratched présente un risque dilutif pour les fondateurs. 

La décision de mettre en place un ratched doit donc, pour les associés fondateurs, faire l’objet d’un arbitrage entre sécurisation des investisseurs et compromission de leur propre pouvoir.

 

Les associés fondateurs peuvent-ils annuler une clause de ratchet contraire à l’intérêt social ? 

Il semble légitime qu’une clause du pacte qui opère l’éviction des associés impliqués en premier lieu dans l’activité de la société soit jugée abusive. 

Pourtant, la jurisprudence récente refuse de qualifier de “léonines” les clauses de ratchet

Les juges considèrent en effet que les investisseurs ne sont pas des associés comme les autres, et que les fondateurs, en les faisant entrer au capital, acceptent de composer avec leurs intérêts dépourvus “d’affectio societatis”. 

 

La modération de la clause de ratchet 

La constatation de la dévalorisation des parts

Vous l’avez compris, l’exercice d’un ratchet trouve son fondement dans la dévaluation des parts sociales sur le marché financier. 

En cas d’émission de nouveaux titres à un prix inférieur, il ne sera pas difficile pour les investisseurs de démontrer combien leurs parts ont été dévaluées. 

Mais dans le cas d’un effet du marché, la réalité de la dévaluation peut être discutée. 

La dépréciation de la valeur de l’entreprise n’étant jamais certaine en pratique, sa constatation peut limiter le jeu de la clause de ratchet.

En finances, une même société peut être valorisée selon plusieurs méthodes parfois contradictoires. 

Pour éviter des débats à ce sujet, la clause pourrait imposer une méthode de valorisation de l’entreprise aux associés.  

Les modérations insérées dans le pacte 

Dans le pacte d’associés, les fondateurs peuvent également modérer le jeu de la clause de ratchet en introduisant d’autres limites à sa mise en œuvre. 

En particulier, les fondateurs pourraient penser à inscrire dans le pacte : 

  • Une limitation dans le temps à l’exercice de la clause : généralement, entre 2 et 5 ans après constatation de la dévalorisation ;
  • Un seuil de dépréciation pour le déclenchement de la clause ; 
  • Une clause de retour à meilleure fortune qui imposerait de rembourser aux fondateurs le montant des parts qu’ils ont cédées au titre du ratchet au cas où la situation financière de la société devait s’améliorer ; 
  • Un mécanisme de pay to play qui imposerait à l’investisseur lésé de participer à l’augmentation de capital au moins à hauteur de sa participation dans le capital pour bénéficier du ratchet, etc. 

Mise en ligne : 24 juin 2021

Rédacteur : Charles DELIE, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sous la direction de Maître Élias BOURRAN, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.

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