Qu’est-ce qu’une œuvre collective ?
L’œuvre collective est définie par les textes comme « une œuvre créée sur l’initiative d’une personne physique ou morale qui l’édite, la publie et la divulgue sous sa direction et son nom et dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond dans l’ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun d’eux un droit distinct sur l’ensemble réalisé ».
Concrètement, pour être collective, l’œuvre doit satisfaire à 2 conditions :
- L’œuvre collective est issue de l’initiative d’un tiers qui dirige les opérations et qui détient la qualité d’auteur sans avoir nécessairement participé à la création de l’œuvre ;
- L’œuvre collective est le résultat d’un travail de coordination de divers contributeurs empêchant ainsi l’attribution aux participants de droits distincts sur l’ensemble réalisé.
À ce titre, les tribunaux considèrent qu’un slogan publicitaire élaboré par une agence avec la participation de tous ses membres constitue une œuvre collective lorsqu’il n’est pas possible d’attribuer aux différents membres, qui ne sont pas déterminés, des droits indivis sur l’œuvre.
Même constat pour un guide touristique dont les réalisateurs ont été choisis par l’éditeur ou pour un bijou créé à l’initiative et sous la direction d’une société par son service de « designers ».
Au contraire, on ne peut pas parler d’œuvre collective lorsqu’un éditeur définit et impose l’esprit, les caractéristiques éditoriales, le plan et la présentation d’un ouvrage, sans justifier par ailleurs d’aucune directive précise donnée aux auteurs des illustrations, lesquels ont ainsi créé l’œuvre en toute indépendance.
De quels droits jouit l’initiateur de l’œuvre collective ?
Le tiers, pouvant être qualifié d’employeur, doit démontrer qu’il est à l’origine du projet et qu’il a joué un rôle moteur dans l’élaboration de l’œuvre collective.
La jurisprudence considère que « la qualification d’œuvre collective exige de démontrer que la personne morale est à l’initiative de l’œuvre, qu’elle a endossé un rôle prépondérant à tous les stades de la création de telle sorte que l’œuvre se trouve marquée par sa maîtrise d’œuvre intellectuelle et qu’elle exploite l’œuvre sous son nom ».
L’intérêt majeur de la qualification d’œuvre collective est de permettre à l’initiateur du projet de faire valoir ses droits patrimoniaux sur l’œuvre pour en tirer une rémunération sans qu’il ait à prouver sa qualité de cessionnaire des droits afférents aux différentes contributions ayant mené à la réalisation de l’œuvre.
Par conséquent, l’employeur n’a pas besoin de se pourvoir d’un contrat de cession de droit d’auteur avec les contributeurs salariés qui ne pourront donc pas s’opposer à l’exploitation de l’œuvre.
La détention de l’ensemble des prérogatives patrimoniales par le promoteur de l’œuvre permet une meilleure gestion des œuvres en regroupant les droits dans une même main.
Cette situation, qui peut alors sembler pertinente pour une exploitation efficace de l’œuvre, est contestable dans la mesure où les créateurs ne peuvent pas se prévaloir de la qualité d’auteur.
Quels droits peut exercer un participant à l’œuvre collective ?
Une œuvre collective est la combinaison de multiples contributions qui rendent impossible l’attribution de droits distincts à chacun des créateurs sur l’ensemble réalisé.
Les collaborateurs sont connus mais il est impossible de déterminer la part de chacun dans l’élaboration, la conception ou la composition de l’œuvre.
L’article L113-5 CPI institue la règle selon laquelle l’œuvre collective est la propriété de la personne sous le nom de laquelle elle est divulguée, c’est-à-dire l’employeur. Ce dernier se voit alors investi des droits d’auteur liés à l’œuvre.
Cependant, tout contributeur à l’œuvre collective est en droit de faire valoir les prérogatives du droit moral rattachées à sa contribution personnelle. Rappelons à cet égard que le droit moral inclut le droit de divulgation, le droit au respect de l’œuvre, le droit au respect du nom ainsi que le droit de repentir ou de retrait.
Toutefois, encore faut-il que cette contribution soit isolable de l’ensemble et que cette exploitation personnelle ne porte pas préjudice à la diffusion de l’œuvre collective.
La jurisprudence se montre assez protectrice des intérêts des employeurs, estimant que le contributeur à une œuvre collective peut agir isolément, pour la défense de son droit moral, mais que ce droit « trouve sa limite dans la nécessaire harmonisation de l’œuvre dans sa totalité ».
Il en résulte que le créateur se retrouve dépouillé de sa qualité d’auteur, situation dans laquelle le lien entre œuvre collective et droit d’auteur semble se dissiper.
Œuvre collective ou œuvre de collaboration ?
En pratique, il peut être compliqué de distinguer les deux notions.
Comme pour l’œuvre collective, la création de l’œuvre de collaboration fait intervenir plusieurs personnes physiques, chacun apportant sa propre contribution.
Par exemple, dans le cadre d’une chanson, on distingue les contributions du parolier pour les textes, du compositeur pour la musique et de l’artiste interprétant le morceau.
Toutefois, la différence essentielle réside dans le fait que l’œuvre de collaboration ne requiert ni l’initiative ni la direction d’un employeur, personne physique ou morale.
L’œuvre de collaboration est soumise au régime de l’indivision. Concrètement, chaque auteur est investi d’un monopole d’exploitation sur son apport individuel, sous réserve que cette contribution soit clairement dissociable des autres et que son exploitation ne porte pas atteinte à la communauté des auteurs.
De plus, il est possible de restreindre l’exploitation à une approbation unanime ou majoritaire des autres coauteurs. Dans ces conditions, un auteur n’est pas libre d’exploiter seul sa propre contribution.
Précisons qu’en cas de litige, les qualifications d’œuvre collective ou d’œuvre de collaboration qui pourraient figurer au contrat ne lient en aucun cas le juge.
Mise en ligne : 3 février 2021
Rédacteur : Virgile DUFLO, Master 2 Droit des affaires à l’Université de Caen-Normandie. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.
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