Présomption d’innocence : quelle définition ?
L’article 9 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen en érige le principe : tout Homme est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable par une juridiction. En effet, toute personne a droit au respect de son honneur et de sa réputation.
La présomption d’innocence figure dans le Code de procédure pénale et est consacrée comme une notion fondamentale qui doit être respectée par les autorités, la presse ou tout autre individu.
Ce principe y figure au côté d’autres droits fondamentaux reconnus à l’Homme. La charge de la preuve de la culpabilité pèse donc sur la partie poursuivante, c’est-à-dire le ministère public.
Ainsi, la personne suspectée ou poursuivie est en principe déchargée de toute procédure pour prouver son innocence. Cette attitude passive se traduit par le fait que l’individu attend qu’on rapporte la preuve de sa culpabilité.
C’est ainsi le ministère public qui doit rapporter la preuve de :
- la réalité de l’infraction ;
- la culpabilité du prévenu ou de l’accusé.
Le principe de la présomption d’innocence figure dans le Code civil depuis 1993 comme un principe procédural. Ainsi, porter atteinte à ce principe est sanctionnée par la loi, pendant ou avant une procédure d’instruction pénale.
Dans ce contexte, s’il y a un doute quant à la culpabilité du prévenu ou qu’elle n’a pas pu être prouvée, celui-ci est présumé innocent.
De ce fait, la présomption d’innocence est importante pour empêcher la condamnation d’une personne et impose au Procureur de la République (ministère public) de rapporter la preuve de sa culpabilité.
Cette présomption est la clef de voûte de la procédure pénale et elle exprime la conception politique qu’un État a d’un citoyen. Toutefois, elle n’est pas absolue et est mise à mal par les médias.
Quelles sont les limites à la présomption d’innocence ?
Le principe de présomption d’innocence s’oppose à la possibilité de recourir à la présomption de culpabilité. Le principe est donc celui de l’interdiction des présomptions de culpabilité, autrement dit, il est interdit de présumer quelqu’un de coupable.
Cette règle n’est, toutefois, pas absolue et le Conseil constitutionnel admet que des présomptions de culpabilité soient instaurées dans la loi, sous réserve du respect de quatre conditions qui ont été rappelées dans une décision du 16 septembre 2011, rendue à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité.
- La première condition est implicite et tient à la gravité de l’infraction. Le Conseil constitutionnel précise que des présomptions de culpabilité peuvent être instaurées, « à titre exceptionnel », « notamment en matière contraventionnelle » ;
- D’autre part, ces présomptions de culpabilité doivent présenter un caractère raisonnable, les faits doivent induire « raisonnablement la vraisemblance de l’imputabilité » ;
- D’autre part, elles ne doivent pas être « irréfragables », c’est-à-dire qu’on doit toujours pouvoir apporter la preuve contraire ;
- Enfin, le respect des droits de la défense doit être assuré.
Par conséquent, les présomptions de culpabilité ne sont pas interdites mais sont strictement encadrées tant au niveau national qu’européen.
Quelles sont les conséquences de ce principe ?
Les conséquences liées à ce principe cardinal de notre État de droit sont multiples.
La première conséquence tient au fait que présenter un individu comme coupable avant toute condamnation définitive ou bien après qu’une relaxe ou un acquittement ait été prononcé est interdit. Plus largement, avant toute condamnation définitive il est interdit de faire référence à la culpabilité de la personne.
La présomption d’innocence était, à l’origine, un principe de procédure pénale. Il figure désormais à l’article 9-1 du Code Civil lequel prévoit notamment que lorsqu’on présente publiquement une personne, avant toute condamnation, comme étant coupable de faits pour lesquelles il y a une enquête, le juge peut, y compris en référé, prescrire toute mesure pour faire cesser l’atteinte à la présomption d’innocence.
De même, il est interdit de présenter une personne comme étant coupable par l’usage de mots mais aussi par des marqueurs physiques. C’est ainsi qu’une directive de 2016 préconise que les États membres s’abstiennent de présenter les suspects ou les personnes poursuivies à l’audience ou en public avec un uniforme de détenu.
Par ailleurs, elle préconise aussi de s’abstenir de présenter ces personnes avec des menottes ou entraves, dans des boxes vitrés ou cage sauf en ce qui concerne les personnes dangereuses pour autrui ou pour elle-même ou qui sont susceptibles de s’enfuir.
Après une relaxe ou un acquittement, il est interdit de parler de la culpabilité d’une personne.
De plus, lorsqu’une personne est acquittée ou relaxée elle peut exercer un droit de réponse prévu par la loi de 1881 sur la liberté de la presse. Ce droit lui permet de demander à ce qu’on note dans un média qu’elle a obtenu une relaxe ou un acquittement.
Répression des atteintes à la présomption d’innocence
Les atteintes à la présomption d’innocence sont sanctionnées par la loi au titre d’une diffamation.
En effet, la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse érige en délit puni de 15 000 euros d’amende le fait de :
- Diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, sans l’accord de l’intéressé, l’image d’une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale, mais n’ayant pas fait l’objet d’un jugement de condamnation et faisant apparaître soit que cette personne porte des menottes ou des entraves, soit qu’elle est placée en détention provisoire ;
- Réaliser, publier ou commenter un sondage d’opinion, ou toute autre consultation, portant sur la culpabilité d’une personne mise en cause à l’occasion d’une procédure pénale.
Une personne victime d’une atteinte à la présomption d’innocence peut demander, à titre gratuit, au journal qui l’a mis en cause, que soit diffuser un article prouvant son innocence afin de faire cesser la diffamation à son encontre.
Mise en ligne : 11 mars 2021
Rédacteur : Irem Sert, diplômée de l’Université CY Cergy Paris. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.
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