Prescription de l’hydroxychloroquine : tout comprendre

Hydroxychloroquine et liberté de prescription du médecin

L’hydroxychloroquine est une spécialité pharmaceutique commercialisée sous forme de médicament depuis de nombreuses années.

En France, ce médicament est mis sur le marché par le laboratoire Sanofi, sous le nom de Plaquenil.

Conformément à la loi, qui impose une autorisation préalable à toute commercialisation de médicament, le Plaquenil fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) délivrée par l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Vous souhaitez connaître qui peut prescrire l’hydroxychloroquine ? Cet article est fait pour vous.

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Hydroxychloroquine : qu’est-ce que c’est ?

L’hydroxychloroquine ou Plaquenil comporte des indications sur son utilisation thérapeutique.

En effet, le Plaquenil est recommandé dans le traitement de certaines maladies articulaires d’origine inflammatoire (comme la polyarthrite ou le lupus).

Attention : l’hydroxychloroquine et la chloroquine sont deux antipaludéens de synthèse, mais ils se distinguent l’un de l’autre.

La chloroquine constitue un dérivé synthétique de l’hydroxychloroquine, obtenu grâce à un procédé chimique technique. En France, la chloroquine est commercialisée sous le nom Nivaquine.

Dans la cadre de la recherche de traitements efficaces pour lutter contre la maladie liée au coronavirus, l’hydroxychloroquine et la chloroquine sont utilisées ensembles ou séparément sur les patients candidats aux essais cliniques.

 

Quels essais cliniques impliquent l’hydroxychloroquine ou la chloroquine?

En raison de la crise sanitaire liée au coronavirus, des essais cliniques ont été initiés sur certains patients pour tester l’efficacité de l’hydroxychloroquine et de la chloroquine dans le traitement du Covid-19.

Un essai clinique international, nommé Solidarity, est actuellement mené par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

En France, 16 essais cliniques portant sur l’efficacité de l’hydroxychloroquine sur les patients atteints du coronavirus ont été autorisés par l’ANSM.

L’étude Discovery, coordonnée par l’Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale), a été lancée le 22 mars 2020. Elle inclut plus de 3.000 patients volontaires et vise à tester quatre traitements potentiels contre le Covid-19.

L’étude Discovery est décomposée en quatre groupes de travail qui ont pour objectif de tester quatre méthodes de traitement sur les malades du coronavirus.

Ces études reposent respectivement sur : le traitement « habituellement pratiqué » sur le Covid-19, un traitement utilisé dans la lutte contre le VIH, un médicament utilisé pour traiter le virus Ebola et enfin, sur l’hydroxychloroquine et la chloroquine.

 

Quelles interrogations ?

En France, dans de telles circonstances, la prescription d’hydroxychloroquine et de chloroquine pour lutter contre le coronavirus a fait l’objet de nombreux débats scientifiques (auxquels le Professeur Didier Raoult a notamment participé en promouvant les bienfaits de la chloroquine sur les malades).

Au terme de ces débats, est née une confusion quant à la prescription de ce produit en France : autorisation, dérogations, restrictions, etc.

En tant que médecin et compte tenu des circonstances actuelles, la prescription d’hydroxychloroquine peut s’avérer risquée.

La prescription de ce médicament en dehors de son autorisation de mise sur le marché peut engager la responsabilité civile du médecin prescripteur par exemple.

Qui pouvait prescrire de l’hydroxychloroquine avant l’épidémie de Covid-19 ?

Pour comprendre la prescription d’hydroxychloroquine due au coronavirus, il faut tout d’abord comprendre son fonctionnement avant l’épidémie.

 

Rappel : prescription de médicaments hors AMM

En France, toute spécialité pharmaceutique doit faire l’objet d’une autorisation de mise sur le marché (AMM).

La prescription hors AMM est formellement autorisée dans le cadre de la recherche médicale et dans celui des autorisations temporaires d’utilisation.

La prescription hors AMM demeure possible dans d’autres hypothèses, dès lors qu’elle n’est pas interdite en tant que telle.

En revanche, le médecin engage sa responsabilité en cas de prescription hors AMM.

De plus, il doit respecter certaines conditions :

  • Il doit porter mention sur l’ordonnance « Prescription hors autorisation de mise sur le marché » ;
  • Il doit informer les patients de l’existence de RTU, des risques encourus, des contraintes et des bénéfices éventuels liés à la prise du médicament lors de ses soins.

 

Prescription d’hydroxychloroquine avant l’épidémie de Covid-19

En France, jusqu’à l’épidémie de coronavirus, la prescription et la délivrance d’hydroxychloroquine et de chloroquine était autorisée dans le cadre de leur AMM.

A défaut de recommandations d’utilisation particulières, ces spécialités pouvaient donc, en outre, être prescrites hors AMM selon les conditions prescrites par la loi.

Depuis un arrêté du 13 janvier 2020, l’hydroxychloroquine sous toutes ses formes figure toutefois sur la liste des substances vénéneuses, qui est répertoriée dans le Code de la santé publique.

Au sein de cette liste figurent notamment « les médicaments susceptibles de présenter directement ou indirectement un danger pour la santé ».

La délivrance et la prise en charge de l’hydroxychloroquine depuis cet arrêté sont strictement réglementées.

La prescription d’hydroxychloroquine dans le cadre de la lutte contre le Covid-19

Le 23 mars 2020, sur demande de la direction générale de la santé, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) a rendu un avis s’agissant des diverses recommandations thérapeutiques dans la prise en charge du Covid-19.

Dans son avis, il a estimé que les résultats des essais cliniques portant sur l’hydroxychloroquine et la chloroquine à titre de traitement pour les patients atteints du Covid-19 étaient à considérer avec prudence en raison d’une faible fiabilité des résultats sur certains points.

Le HCSP précisait deux cas dans lesquels l’hydroxychloroquine pouvait être utilisée comme traitement pour lutter contre la maladie, tout en préconisant la poursuite de la recherche clinique en la matière.

A la suite de cet avis, un décret du 25 mars 2020 a autorisé, à titre dérogatoire, l’utilisation de l’hydroxychloroquine à d’autres fins que celles prévues initialement dans son AMM :

  • L’hydroxychloroquine peut être prescrite et dispensée comme traitement aux patients atteints du Covid-19, sous la responsabilité du médecin prescripteur ;
  • Dans les établissements de santé prenant en charge les patients atteints de la maladie ;
  • Eventuellement à domicile pour la poursuite de leurs traitements si leur état le permet et sur autorisation du prescripteur initial.

Le décret précise que les prescriptions doivent respecter des recommandations du HCSP et, par la même occasion, charge l’ANSM d’élaborer un protocole d’utilisation thérapeutique à l’intention des professionnels de santé.

Le décret subordonne la dispensation du Plaquenil et des produits à base d’hydroxychloroquine, pour les pharmaciens d’officine à une prescription initiale émanant de spécialistes en : rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie.

Il précise que le renouvellement de la prescription peut émaner de tout médecin.

Le 28 mars 2020, le Conseil d’Etat a rejeté la demande dont il était saisi, tendant à suspendre la disposition autorisant la prescription du Plaquenil hors AMM à titre dérogatoire.

Le 30 mars 2020 et à la demande du HCSP, l’ANSM a établi un protocole d’utilisation thérapeutique de l’hydroxychloroquine (disponible sur le site internet de l’ANSM).

Plus récemment, un décret du 11 mai 2020 prescrivant diverses mesures générales pour lutter contre le Covid-19 a repris l’ensemble de ces mesures.

Qui peut prescrire de l’hydroxychloroquine aujourd’hui ?

Le 24 mai 2020, le Haut Conseil de la Santé publique a émis, sur la base de publications internationales, certaines réserves sur les bénéfices de l’hydroxychloroquine et de la chloroquine dans le traitement contre le coronavirus.

Le HCSP s’est notamment fondé sur une étude publiée deux jours plus tôt, dans la revue médicale The Lancet.

Cette étude faisait état d’effets indésirables de l’hydroxychloroquine et de la chloroquine, notamment un taux de mortalité supérieur chez les patients atteints du Covid-19.

Par cet avis, le HSCP a recommandé :

  • De ne pas utiliser l’hydroxychloroquine dans le traitement contre le Covid-19 ;
  • D’évaluer le bénéfice/risque de l’utilisation d’un tel produit dans les essais thérapeutiques ;
  • De renforcer la régulation nationale et internationale des différentes études évaluant l’hydroxychloroquine dans l’infection liée au coronavirus.

Le 25 mai 2020, l’Organisation mondiale de la santé interrompait son étude clinique Solidarity.

La dérogation s’agissant de l’utilisation de l’hydroxychloroquine hors AMM était annulée par arrêté du 26 mai 2020, compte tenu des effets du traitement et du risque couru par les patients.

Cette disposition rétablissait donc la situation antérieure relativement à la prescription et à la délivrance de l’hydroxychloroquine (dispensation dans le respect des indications de son AMM, uniquement sur prescription initiale d’un spécialiste en : rhumatologie, médecine interne, dermatologie, néphrologie, neurologie ou pédiatrie, ou par tout médecin à l’occasion d’un renouvellement de prescription).

Compte tenu des risques évoqués, l’ANSM déclarait vouloir arrêter de recruter de nouveaux patients dans les protocoles de recherche menés sur des patients atteints du Covid-19 avec de l’hydroxychloroquine ou de la chloroquine dans l’attente de la réévaluation globale des bénéfices/risques de la molécule comme traitement dans les essais cliniques.

Attention ! Le 3 juin dernier, l’OMS est revenue sur sa décision de suspendre le recrutement des patients traités à l’hydroxychloroquine ou à la chloroquine pour lutter contre le Covid-19.

Le comité de sécurité de suivi des données, qui est l’entité ayant accès à la totalité des données de l’essai clinique Solidarity), a déclaré ne pas avoir constaté de « signal de toxicité significatif » parmi les patients recevant de l’hydroxychloroquine ou de la chloroquine, dans le cadre de l’étude clinique.

Ce revirement résulte de la remise en cause des résultats issus de l’étude publiée par The Lancet.

En effet, après la publication de l’étude, la revue médicale avait publié un erratum qui reconnaissait une erreur de codage sur le nombre de morts liés au coronavirus lors de l’essai, ainsi que la publication d’un tableau de données erronées.

Le 3 juin, la revue émettait une mise en garde à propos de l’article en question et précisait qu’une enquête était en cours pour s’assurer de la validité des données.

Le groupe exécutif de l’étude a donc décidé de reprendre l’essai clinique comportant quatre traitements contre le Covid-19 (dont l’hydroxychloroquine et le chloroquine).

Le médecin est-il libre de prescrire de l’hydroxychloroquine ?

L’AMM d’un médicament définit ses indications d’utilisation.

Néanmoins, le médecin demeure libre de ses prescriptions, dans la limite de ce qui est nécessaire à la qualité, à la sécurité et à l’efficacité des soins.

Par conséquent, un médecin peut prescrire des médicaments hors AMM.

L’hydroxychloroquine, ne fait plus l’objet de dérogation permettant sa prescription hors AMM auparavant autorisée par la loi.

Les médecins sont donc invités à respecter l’AMM de ce produit. Cependant, ils peuvent toujours décider de prescrire des traitements à base d’hydroxychloroquine hors AMM, en vertu de leur liberté de prescription.

Dans ce cas, le médecin prescripteur engage sa responsabilité civile, pénale et ordinale.

Face à la crise sanitaire due au coronavirus en France si vous êtes médecin, il est indispensable de connaître la réglementation en vigueur à propos de l’hydroxychloroquine et de la chloroquine, pour garantir un exercice sécurisé de votre profession.

Mise en ligne : 12 juin 2020

Rédacteur : Gabrielle CANCALON, Juriste. Sous la direction de Maître Amélie ROBINE, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.

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