Revenge Porn : tout savoir sur la réglementation

Revenge porn #stopfisha : comment y remédier ?

À l’ère de l’innovation numérique, l’utilisation des réseaux sociaux entraîne de nombreux dérapages et notamment une augmentation du phénomène mondial de vengeance pornographique. La vengeance pornographique, ou « revenge porn » est la diffusion d’images, de vidéos ou de paroles intimes ou à caractères sexuels à l’insu d’une personne.

Ce phénomène a vu le jour très tôt, dans les années 80, lorsque le magazine Hustler a commencé à publier dans une rubrique mensuelle des images de femmes nues.

La plupart de ces femmes n’avaient pas envoyé ces photos elles-mêmes et n’avaient jamais donné de consentement à leur publication.

Au fur et à mesure, la publication d’images intimes a explosé. En 2015, Twitter a annoncé qu’il retirerait tout lien vers des photographies ou des vidéos intimes ou sexuelles si elles avaient été publiées sans le consentement de l’intéressée. Twitter s’est ainsi lancé à la poursuite des comptes publiant des contenus de revenge porn.

De nombreuses campagnes de lutte contre le revenge porn ont vu le jour au cours des dernières années. Parmi celles-ci, la campagne #NotYourPorn, instaurée par Kate Isaacs, a été lancée afin de lutter contre l’émission de ce type de contenus numériques.

Dans le monde, 90 % des victimes de revenge porn sont des femmes, et le plus souvent des jeunes filles mineures.

En France, Marlène Schiappa a annoncé que Snapchat, en partenariat avec l’association e-Enfance, allait œuvrer dans la lutte contre les comptes de revenge porn.

Le confinement lié à la pandémie du coronavirus a entrainé une forte recrudescence des actes de revenge porn. En effet, le nombre de publications sur les comptes #fisha ou #ficha (qui signifie « afficher »), créés sur Snapchat ou Instagram a explosé. Ces comptes diffusent des photographies ou vidéos intimes de jeunes filles ou femmes sans leur consentement.

Aussi, les campagnes de cyber-harcèlement se multiplient. Toutefois, il apparaît que ces campagnes ne sont pas totalement efficaces dans la mesure où les agresseurs ne sont pas sanctionnés et les victimes jamais indemnisées.

Cet article a pour objectif de vous permettre de comprendre ce qu’est, juridiquement, le revenge porn et de savoir comment agir lorsque vous-même ou l’un de vos proches en êtes victime.

Avocats pénalistes à Paris, nous pouvons vous accompagner en matière de revenge porn et de e-reputation. Plus précisément, nous pouvons vous aider dans le retrait des contenus illicites publiés sur Internet et dans l’obtention de la réparation du préjudice subi, par la voie civile ou pénale.

Le Revenge porn : définition

Le revenge porn consiste en la diffusion de photographies ou de vidéos intimes ou à caractère sexuel d’une personne, sans son consentement, dans le but de lui nuire, par exemple à la suite à une rupture.

Les photographies ou vidéos sont le plus souvent mises en ligne sur les réseaux sociaux ou envoyées à des proches.

En France, jusqu’en 2016, les victimes de revenge porn obtenaient très difficilement le retrait des publications illicites (présentes ou à venir), et voyaient difficilement leur agresseur condamné à leur verser des dommages et intérêts en réparation de leur préjudice.

En effet, la Cour de cassation, dans un arrêt du 16 mars 2016 (n°15-82676), a considéré que la victime de vengeance pornographique ne pouvait obtenir réparation du préjudice subi du fait de la publication d’une image la présentant nue alors qu’elle était enceinte.

Cette décision a été vivement critiquée par la doctrine, et a suscité beaucoup d’émoi auprès du grand public.

Cependant à la date de la décision, la diffusion d’image à caractère intime ou sexuel n’était pas réprimée pénalement, dès lors que la personne avait consenti à donner ladite l’image.

Le revenge porn est désormais sévèrement sanctionné par le Code pénal depuis l’introduction de l’article 226-2-1 par l’article 67 de la loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016.

Une règlementation plus sévère a été rendue nécessaire au regard de la forte augmentation de contenus illustrant une vengeance pornographique. La publication de tels contenus a également considérablement augmenté en période de confinement.

Comment la loi protège-t-elle les victimes de Revenge porn ?

La pratique du revenge porn est lourde de conséquences d’un point de vue juridique.

 

Que dit la loi à propos de la vengeance pornographique ?

Sur le plan pénal, l’article 226-1 Code pénal condamne l’atteinte volontaire à l’intimité de la vie privée d’autrui en captant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de leur auteur, des paroles prononcées à titre privé ou confidentiel ou en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l’image d’une personne se trouvant dans un lieu privé.

La loi n°2016-1321 du 7 octobre 2016 est venue préciser et renforcer ces condamnations dans le cas particulier de diffusion à caractère sexuel en introduisant l’article 226-2-1 du Code pénal :

« Lorsque les délits prévus aux articles 226-1 et 226-2 portent sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel prises dans un lieu public ou privé, les peines sont portées à deux ans d’emprisonnement et à 60 000 € d’amende. Est puni des mêmes peines le fait, en l’absence d’accord de la personne pour la diffusion, de porter à la connaissance du public ou d’un tiers tout enregistrement ou tout document portant sur des paroles ou des images présentant un caractère sexuel, obtenu, avec le consentement exprès ou présumé de la personne ou par elle-même, à l’aide de l’un des actes prévus à l’article 226-1 ».

L’article 226-2-1 du Code pénal sanctionne donc plus sévèrement la diffusion d’images à caractère sexuel.

Grâce à cette évolution juridique, l’individu qui obtient une photo avec le consentement de son partenaire, mais qui la diffuse à son insu, pourra être sanctionné.

Le caractère sexuel des contenus publiés est ainsi une circonstance aggravante de l’infraction de diffusion de contenus sans le consentement de la personne concernée : la peine passe ainsi de 45 000€ à 60 000€ d’amende.

Les juges considèrent que toute personne dispose d’un droit exclusif sur son image et sur l’utilisation qui en est faite, peu importe que des photos ou vidéos soient prises avec son consentement.

Sur le plan civil l’article 9 du Code civil dispose que :

« Chacun a droit au respect de sa vie privée. »

Cet article, qui érige en principe général le droit au respect de la vie privée, permet aux victimes de revenge porn d’obtenir une réparation financière et le retrait du contenu qui leur porte préjudice.

 

Illustration : le jugement du Tribunal de Grande Instance de Bobigny du 20 novembre 2018

Le 20 novembre 2018, le Tribunal de Grande Instance de Bobigny a condamné, au visa de l’article 9 du Code civil, un individu pour avoir diffusé des photos dévoilant son amant dans son intimité.

L’amant avait échangé avec sa maîtresse des photos où il apparaissait nu. Pour se venger d’avoir mis fin à leur relation, l’ex-maîtresse a diffusé les photos intimes à l’entourage, ainsi qu’à l’épouse de ce dernier.

Cet homme a alors assigné son ex-maîtresse aux fins d’obtenir la cessation de toute diffusion présente ou à venir des images en cause, ainsi que la condamnation à payer des dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Au soutien de sa demande, l’individu a fait valoir une violation de son droit au respect de la vie privée et de son droit à l’image.

Il a invoqué le fait que la diffusion de ses correspondances à caractère sexuel avec sa maîtresse avait gravement porté atteinte au secret de son intimité et l’avait profondément affecté.

Il a également soutenu avoir subi un véritable déshonneur auprès de son entourage suite à la diffusion de ces photos.

Les magistrats ont réaffirmé le principe fondamental du droit de chacun au respect de sa vie privée, au visa de l’article 9 du Code civil. Ils ont ensuite précisé qu’ils pouvaient, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée.

Ils ont ainsi condamné l’auteure de la publication au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi par son ex-amant.

Ainsi, si vous êtes victime de :

  • Captation, enregistrement, transmission ;
  • Ou diffusion.

De :

  • Paroles prononcées à titre confidentiel présentant un caractère sexuel ;
  • Images présentant un caractère sexuel.

Sans votre consentement et prises dans :

  • Un lieu public ;
  • Ou un lieu privé.

Vous pouvez obtenir réparation du préjudice subi.

À titre d’exemple, le 3 avril 2014, le Tribunal correctionnel de Metz a condamné un homme à une peine de 12 mois de prison avec sursis, et à verser à la victime la somme de 5.000€ de dommages et intérêts.

Cette condamnation est l’une des premières en France en matière de Revenge porn et illustre la volonté de la justice française de sanctionner ce genre de comportement.

Comment prévenir la vengeance pornographique ?

La pratique du revenge porn est réelle et se développe considérablement. En effet, à l’ère du numérique, l’envoi de photos, de vidéos ou de paroles sexuelles via un ordinateur ou un téléphone portable est de plus en plus courant.

Ainsi, afin d’éviter de devenir victime de ce phénomène, il est conseillé d’éviter de transmettre ce type de contenu.

Leur publication pourrait avoir un impact considérable sur votre vie professionnelle et personnelle. Par exemple, vous pourrez être contraint de quitter vos fonctions si votre entourage professionnel y a accès.

Récemment, Benjamin Griveaux, candidat pour la mairie de Paris, a été contraint de retirer sa candidature suite à la publication d’une vidéo de lui à caractère sexuel.

Aux États-Unis, l’élue démocrate américaine Katie Hill a également été victime de revenge porn en 2019, l’obligeant à démissionner.

Comment obtenir réparation lorsque vous êtes victime de Revenge porn ?

Les réflexes à avoir lorsque vous souhaitez faire retirer le contenu illicite et obtenir dédommagement :

 

Étape 1 : Signaler le contenu

Vous devez avant tout signaler le contenu et le compte au site internet, au réseau ou à la plateforme sur lequel il a été publié.

De plus en plus de réseaux sociaux, notamment Facebook et Twitter, mettent en place des dispositifs permettant aux victimes de revenge porn de signaler et d’obtenir le retrait du contenu.

 

Étape 2 : Enregistrer des preuves

Vous devez ensuite enregistrer les photos ou vidéos, par exemple en faisant des captures d’écran. Cela vous permettra de conserver une preuve de la publication du contenu litigieux.

 

Étape 3 : Contacter un avocat

Si vous êtes victime de revenge porn et qu’une personne a diffusé sans votre autorisation une photo ou vidéo intime ou des paroles à caractère sexuel, il est impératif que vous contactiez un avocat pénaliste.

L’avocat vous accompagnera tout au long de la procédure, du dépôt de plainte à la tenue de l’audience. Il vous aidera et vous conseillera pour obtenir réparation.

 

Étape 4 : Porter plainte

Vous devez impérativement porter plainte au commissariat ou à la gendarmerie.

Votre avocat pourra vous accompagner dans une procédure judiciaire pour faire retirer le contenu litigieux et pour obtenir des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi.

Si vous souhaitez que le contenu soit retiré de manière urgente, votre avocat peut procéder à une notification de retrait de contenu illicite auprès du site, du réseau ou de la plateforme.

L’indemnisation qui vous sera attribuée sera calculée en fonction du préjudice moral causé par la publication.

Si vous souhaitez obtenir le retrait d’une photographie, vidéo ou des parole intime ou à caractère sexuel vous représentant et publiée à votre insu, le Cabinet Beaubourg Avocats peut s’occuper de toutes vos formalités juridiques et vous accompagner au cours de la procédure.

Mise en ligne : 5 juin 2020

Rédacteur : Julie DINARQUE, Master 1 Droit international des affaires à l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.

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