Droit des artistes interprètes : tout savoir en 5 min

Artistes interprètes : quels sont vos droits ?

Un artiste interprète est celui qui représente ou exécute une œuvre littéraire ou artistique sans pour autant en être l’auteur.

Autrement dit, l’auteur de paroles d’une chanson est considéré comme titulaire de droit d’auteur alors que celui qui interprète cette chanson, sans pour autant l’auteur, est quant à lui titulaire de droits voisins au droit d’auteur.

À l’image de Céline Dion qui interprète les chansons écrites par Jean Jacques Goldman. Ou des artistes qui choisissent de reprendre des titres écrits par d’autres artistes et qui doivent à ce titre demander l’autorisation à l’auteur ou à leur ayants droit.

L’auteur de paroles d’une chanson peut également composer la musique et l’interpréter dans le cadre d’un spectacle, d’un concert ou même d’un enregistrement en studio. Il est alors auteur-compositeur-interprète. À ce titre, il est titulaire à la fois de droits d’auteur et de droits voisins.

Le droit voisin peut se définir comme un droit connexe au droit d’auteur. C’est une manière de protéger le travail d’artistes qui n’auraient pas créé à proprement parler une œuvre artistique mais qui apporte une valeur ajoutée à une œuvre préexistante. Peu importe que l’œuvre en question soit protégée ou tombée dans le domaine public.

Avocats en droit de la musique à Paris, nous proposons de vous aider à déterminer comment et à quelles conditions les artistes interprètes peuvent céder leurs droits voisins.

Quels sont les droits de l’artiste interprète ?

Comme le droit d’auteur, les droits voisins sont composés d’un droit moral et de droits patrimoniaux.

Pour le droit moral, il est défini à l’article L. 212-2 du Code de la propriété intellectuelle : « L’artiste interprète a le droit au respect de son nom, de sa qualité et de son interprétation ».

Il faut retenir trois caractéristiques attachées aux droits de l’artiste interprète :

  • Perpétuel : la durée de sa protection n’est pas limitée
  • Inaliénable : le droit voisin ne peut faire l’objet de renonciation ou de transfert par son titulaire
  • Imprescriptible : aucune prescription ne peut éteindre le droit d’agir en justice pour le faire respecter

Pour les droits patrimoniaux, ce sont eux qui permettent à l’artiste interprète d’autoriser ou d’interdire l’utilisation de l’interprétation qu’il a faite d’une œuvre.

Les droits patrimoniaux de l’artiste interprète sont composites :

  • Le droit de fixation qui vise tout enregistrement réalisé à partir de la prestation de l’artiste interprète
  • Le droit de reproduction qui vise toutes les reproductions qui ne sont pas destinées à un usage privé
  • Le droit de communication au public qui vise les différents modes d’exploitation dont l’œuvre interprétée par l’artiste peut faire l’objet

Comme le droit moral, il faut retenir deux caractéristiques attachées aux droits patrimoniaux :

  • Cessible – L’artiste interprète ou ses ayants droit peuvent choisir de céder les droits patrimoniaux à un tiers et charger ainsi ce dernier d’exploiter l’œuvre.
  • Limité dans le temps – La protection conférée par les droits patrimoniaux est effectivement limitée dans le temps puisqu’elle dure 50 ans à compter du 1er janvier de l’année civile qui suit : la date de la fixation de l’interprétation ou la date de la première communication au public ou la date de la première mise à la disposition du public d’exemplaires matériels.

Attention : Après les 50 ans, l’artiste interprète ou ses ayants droits ne peuvent plus décider d’autoriser ou d’interdire l’utilisation de l’interprétation. L’œuvre interprétée est réputée tomber dans le domaine public.

Le droit moral subsiste néanmoins et ceux qui souhaitent exploiter l’œuvre interprétée peuvent le faire sans qu’il soit besoin de demander d’autorisation mais à la condition de respecter le nom de l’artiste interprète ainsi que la qualité de son interprétation.

Quelles sont les particularités d’un contrat d’artiste interprète ?

Il faut rappeler à titre préliminaire que seuls les droits patrimoniaux peuvent faire l’objet d’une cession auprès d’un tiers.

L’objectif de cette cession pour l’artiste est de permettre l’exploitation ou l’utilisation de son interprétation en la confiant à des professionnels. Céder les droits patrimoniaux afférents à son œuvre interprétée signifie qu’il autorise un tiers à l’exploiter.

Cette cession peut être par exemple faite au bénéfice d’un producteur de phonogramme qui prendra la forme d’un label ou d’une maison de disques qui sera chargé de produire un enregistrement de l’œuvre interprétée. A ce sujet, sachez qu’il est tout à fait possible de créer un label de musique.

Attention, en contrepartie de cette cession, l’artiste interprète s’engage à ne plus disposer de son œuvre comme il veut. C’est-à-dire qu’il ne peut pas choisir de l’exploiter seul, sans demander l’accord au nouveau titulaire de ses droits patrimoniaux.

La cession de droits patrimoniaux est donc un acte très important pour l’artiste qui perd une partie de sa capacité à jouir de l’œuvre qu’il a interprétée. En échange de cette cession, il doit obligatoirement bénéficier d’une rémunération.

Quel formalisme adopter ? L’article L.212-4 du Code de la propriété intellectuelle impose la signature d’un contrat entre l’artiste interprète et le professionnel à qui il entend céder ses droits. Dans le cadre de l’industrie musicale, ce professionnel sera très probablement un producteur de phonogramme.

L’exigence de l’écrit imposé par la loi a pour objectif premier de protéger l’intérêt de l’artiste, considérée comme la partie faible.

Lorsqu’il signe un contrat de cession de ses droits patrimoniaux avec un producteur, il s’agit d’une forme de contrat de musique qui doit répondre à un formalisme particulier.

Chacun des droits cédés doit faire l’objet d’une mention distincte. Il faut impérativement préciser s’agissant de la cession des droits envisagée : l’étendue, la destination, le territoire, la durée. Il est obligatoire également de préciser comment sera rémunéré l’artiste.

En tant qu’artiste interprète, nous vous conseillons de vous rapprocher d’un avocat lors de la conclusion d’un contrat dont l’objet est la cession de certains de vos droits.

Comment se calcule la rémunération de l’artiste interprète ?

Le régime applicable à la rémunération de l’artiste interprète est bâti sur deux logiques différentes.

  • Selon le droit du travail : L’artiste interprète touche un salaire au titre de la prestation artistique qu’il réalise.
  • Selon le droit d’auteur : L’artiste interprète touche ce que l’on appelle une rémunération secondaire au titre de la cession des droits voisins.

Cette rémunération secondaire prend la forme d’une redevance que perçoit l’artiste lorsque l’œuvre interprétée est diffusée dans les lieux publics, à la radio ou à la télévision.

Quel traitement social pour la rémunération de l’artiste interprète ? Par principe, la rémunération de l’artiste interprète perçue en contrepartie de son interprétation doit être considérée comme un salaire. Ce salaire sera soumis aux cotisations sociales. Cela s’explique par la nature juridique du contrat conclu entre l’artiste et le producteur lequel est apparenté à un contrat de travail auquel est assimilée une présomption de salariat au profit de l’artiste.

D’autre part, la rémunération de l’artiste interprète versée à l’occasion de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de son interprétation doit être considérée comme une redevance. Cette redevance sera quant à elle assujettie aux cotisations sociales sur les revenus du patrimoine en application de l’article L.136-6 du Code de la sécurité sociale.

Cette rémunération est composée d’un pourcentage sur l’exploitation de l’œuvre et échappe à la qualification de salaire, à trois conditions cumulatives :

  • Il faut premièrement qu’elle soit due pour une exploitation n’impliquant pas la présence physique de l’artiste.
  • Il faut qu’elle soit proportionnelle au produit de l’exploitation de l’enregistrement de la prestation de l’artiste-interprète.
  • Il faut qu’elle ne soit pas proportionnelle au salaire reçu pour la production de son interprétation, exécution ou prestation.

Bon à savoir : si vous êtes intéressé par le sample, soyez très attentif pour ne pas tomber dans le plagiat et pensez à vous renseigner sur le sample et les droits d’auteurs.

Quelles sont les sanctions en cas de violation des droits voisins de l’artiste interprète ?

L’article L.335-4 du Code de la propriété intellectuelle punit de trois ans d’emprisonnement et de 300 000€ d’amende toute fixation, reproduction, communication ou mise à disposition du public, à titre onéreux ou gratuit, ou toute télédiffusion d’une prestation, d’un phonogramme, d’un vidéogramme ou d’un programme, réalisée sans l’autorisation, lorsqu’elle est exigée, de l’artiste-interprète, du producteur de phonogrammes ou de vidéogrammes ou de l’entreprise de communication audiovisuelle. On peut citer les principaux actes de contrefaçon de droit voisin :

  • La reproduction intégrale ou partielle, définitive ou temporaire d’une œuvre sans autorisation. Par exemple, c’est le cas du téléchargement.
  • La représentation d’une œuvre sans autorisation. Par exemple, le fait de chanter dans une salle de concert.

Si vous décidez d’être accompagné par un agent d’artiste, pensez dès à présent à vous renseigner sur le contrat d’agent artistique.

Mise en ligne : le 6 octobre 2020

Rédacteur : Margaux DUTERNE, Diplômée de l’Université Paris 1 Panthéon Sorbonne. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.

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