Qu’est-ce que le délit d’initié ?
Le délit d’initié n’est pas prévu par le Code pénal, mais par l’article L. 465-1 du Code monétaire et financier.
Le délit d’initié est constitué dès lors qu’une personne qui, en toute connaissance de cause, dispose d’une information privilégiée et en fait usage, pour elle ou pour autrui, directement ou indirectement, sur une ou plusieurs opérations, ou en annulant ou modifiant un ou plusieurs ordres passés sur l’émetteur ou sur les instruments financiers concernés par cette information privilégiée.
L’article L. 465-2 du même Code punit des mêmes peines la recommandation de la réalisation d’une ou plusieurs opérations ou de les inciter sur le fondement d’une information privilégiée.
De plus, faire usage de la recommandation transmise, basée sur une information privilégiée, constitue également un délit d’initié.
Exemples :
- Une personne travaille à la direction d’une société et apprend que celle-ci est en banqueroute. Cette personne revend les titres financiers qu’elle possède avant que l’information sur la banqueroute soit rendue publique. Par conséquent, elle revendra ses titres avant que le cours boursier ne s’effondre. Elle sera coupable du délit d’initié ;
- Une personne apprend, lors d’une réunion, qu’une société A va effectuer une OPA sur la société B. Cette personne achète des actions de la société B avant que l’OPA ne soit publique, et va réaliser un profit. Elle sera là encore coupable du délit d’initié.
Qui peut être responsable d’un délit d’initié ?
Pour rappel, l’initié est la personne qui « sait » et est tenue par le secret.
L’article L.465-1 du Code monétaire et financier évoque différents types d’initiés :
- Directeur général, président d’un membre du directoire, gérant, membre du conseil d’administration ;
- Membre du conseil de surveillance d’un émetteur concernée par l’information privilégiée, ou qui en détient une participation ;
- Toute personne qui dispose de cette information à l’occasion de sa profession ou en raison de sa participation à un crime ou un délit ;
- Toute autre personne disposant d’une information privilégiée.
Depuis la loi du 21 juin 2016, toute personne peut être initiée, mais selon la fonction de l’auteur des faits, une présomption peut peser (un directeur général a certainement conscience que l’utilisation de l’information privilégiée caractérise un délit d’initié).
Le délit d’initié est une infraction intentionnelle. Aussi, l’auteur des faits qui agit en connaissance de cause, en sachant qu’il détient une information privilégiée et en fait usage, se rend coupable de ce délit.
Qu’est-ce qu’une information privilégiée ?
La jurisprudence définit l’information privilégiée comme étant précise, confidentielle et de nature à influer sur le cours des valeurs (Cass. Crim. 14 juin 2006).
Cette information doit être précise, c’est-à-dire que cela ne peut pas être une simple rumeur, elle est appréciée qualitativement par les juges.
Le caractère privilégié de l’information réside en sa confidentialité. En ce sens, une information qui a été transmise dans la presse, ou par un communiqué officiel n’est pas une information privilégiée permettant d’établir un délit d’initié.
Selon le règlement (UE) nº596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014, l’information précise est celle dont on peut raisonnablement penser qu’un événement se produit ou qui se produira et que l’on peut en tirer une conclusion sur l’effet qu’elle aura sur le cours des instruments financiers.
L’information privilégiée est au cœur de l’infraction du délit d’initié, car c’est en raison de sa connaissance que l’auteur du délit est en position favorable pour tirer profit sur les cours des instruments financiers. Son utilisation influe sur l’équité entre les individus.
En revanche, la simple possession de cette information ne suffit pas à constituer l’infraction du délit d’initié, il faut que celle-ci soit utilisée ou communiquée.
Quelles sont les autorités compétentes en matière de délit d’initié ?
Les autorités compétentes pour connaître d’un délit d’initié sont :
- le tribunal judiciaire de Paris et ;
- la Commission des sanctions de l’Autorité des Marchés Financiers (AMF).
Si la personne est poursuivie par l’AMF, le recours est différent selon la qualité de l’auteur des faits :
- Si c’est un professionnel, il s’effectue devant le Conseil d’Etat ;
- Si c’est un particulier, le recours s’effectue auprès de la Cour d’Appel de Paris, et le pourvoi devant la chambre commerciale de la Cour de cassation.
En revanche, depuis 2016, il n’est pas possible de cumuler les sanctions pénales et administratives. Si l’AMF a déjà poursuivi l’auteur des faits, le procureur de la République ne peut pas enclencher de nouvelles poursuites pour les mêmes faits.
Quelle est la peine pour un délit d’initié ?
Le Code monétaire et financier prévoit une peine de 5 ans de prison et de 100 millions d’euros d’amende pour le délit d’initié.
La peine d’amende peut également être portée jusqu’au décuple du montant de l’avantage retiré du délit, et elle ne doit pas être inférieure au profit tiré de l’infraction.
Bon à savoir : la tentative du délit d’initié est sanctionnée des mêmes peines.
Mise en ligne : 24 mars 2021
Rédacteur : Nastasia DELLES, diplômée du Master 2 Prévention du risque pénal économique et financier de l’Université de Lorraine. Sous la direction de Maître Elias BOURRAN, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.
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