Contrat de transfert de joueur professionnel : que faut-il savoir ?

Que faut-il savoir sur le contrat de transfert de joueur ? 

Les opérations de transfert à la fin de la saison sportive sont des plus médiatisées, et parfois des plus controversées

Les montants inscrits dans les contrats de transfert des joueurs de football au terme du célèbre mercato ont ainsi pu atteindre des valeurs jugées indécentes en considération de leur objet : la “vente” d’un joueur. 

S’il ne l’a pas encore fait, le législateur cherche aujourd’hui à régir cette pratique : il s’agit de mieux encadrer les contrats de transfert de joueur, et d’éviter les écarts, notamment financiers. 

D’une part, avec l’engagement dans un club, ces opérations déterminent la carrière très courte du sportif professionnel. 

D’autre part, elles représentent une source de revenu importante pour le club qui “vend” le joueur. 

Que vous soyez sportif professionnel ou responsable d’un club, il est donc primordial de vous familiariser avec le contrat de transfert du joueur qui est voué à se complexifier. Cet article a pour but de vous l’expliquer en détail.

Avocats en droit du sport, nous pouvons vous accompagner dans vos opérations de transfert de joueurs professionnels.

Qu’est-ce qu’un contrat de transfert de joueur? 

Qui sont les parties au contrat de transfert de joueur? 

Le contrat de transfert du joueur est un contrat tripartite entre un joueur et deux clubs. 

Le transfert d’un joueur est la prestation assurée par le club « cédant » auprès du club « acquéreur ». Comme la prestation concerne une personne, sa participation au contrat de transfert est impérative. 

Bon à savoir : dans ce contexte, l’identification de l’étape de formation du contrat de transfert est difficile, et souvent faite au cas par cas. Elle est pourtant importante dans le droit de son exécution. Pensez à vous faire accompagner par un avocat en droit du sport pour la rédaction de ce contrat.

Quels sportifs sont concernés par les contrats de transfert de joueurs?

Tous les sportifs ne sont pas concernés par les contrats de transfert. 

Sont concernés :

  • les sportifs professionnels : les sportifs amateurs ne peuvent faire l’objet d’un contrat de transfert ; 
  • les sportifs pratiquant les sports collectifs : le mécanisme du transfert ne vaut pas pour les sportifs individuels ; 
  • les sportifs pratiquant les sports mécaniques : seul exception au point précédent, il existe des contrats de transfert de sportifs individuels pratiquant un sport mécanique (rallye automobile, motocross,etc). 

Quel est l’objet d’un contrat de transfert de joueur? 

L’objet du contrat de transfert de joueur est l’opération de transfert d’un joueur

L’opération de transfert est une opération juridique originale :

  • qui permet la mutation définitive du joueur salarié d’un club à un autre club : le transfert est donc la succession de la résiliation et de la signature d’un contrat de travail par le joueur ; 
  • qui s’effectue à titre onéreux : le transfert est donc également une transaction entre deux clubs échangeant les talents d’un sportif. 

Malgré le vocabulaire couramment employé, le contrat de transfert de joueur est bien différent de la simple « vente » d’un sportif. 

Comment rédiger le contrat de transfert d’un joueur? 

Quels textes faut-il respecter dans la rédaction du contrat de transfert de joueur? 

Le contrat de transfert de joueur n’a pas de régime légal spécifique: on dit qu’il est “innommé” par la loi. C’est donc le droit des contrats qui préside à sa rédaction. 

Ce droit n’impose pas de formes particulières de rédaction. 

De même, vous êtes libres de rédiger comme vous voulez le contenu du contrat de transfert du joueur, pourvu que ce contenu soit assez précis et licite

La licéité du contenu du contrat de transfert du joueur dépend : 

  • du droit national en vigueur : le droit français interdit en particulier les conventions portant sur les attributs de la personne humaine. Veillez à ce que le contrat rédigé mentionne le transfert des qualités professionnelles et sportives du joueur, et non de sa personne ou de ses attributs ;
  • des règlements des fédérations sportives (nationales pour les transferts au sein d’un pays, internationales pour les transferts entre pays) : le droit fédéral fixe notamment les périodes possibles de mutation (les dates du mercato), les exigences relatives à la formation des joueurs transférés, et les conditions d’homologation du contrat de transfert par la fédération. 

Combien d’actes faut-il conclure dans le contrat de transfert de joueur? 

Le contrat de transfert de joueur n’est pas en pratique un acte unique, mais un ensemble de trois actes successifs.   

Il faut d’abord convenir de la résiliation du contrat de travail entre le joueur et le club cédant. Il s’agit nécessairement (1) d’une rupture anticipée (2) par consentement mutuel. 

Dans ce contexte, le “transfert” n’a pas de sens si :

  • Le contrat de travail est déjà arrivé à son terme ;
  • Le contrat de travail est à durée indéterminée, et le joueur libre de démissionner ;
  • Le joueur décide de se prévaloir d’une clause libératoire sans accord du club cédant.

Bon à savoir : est dit “libératoire” ce qui emporte extinction d’une obligation. Une clause libératoire permet à un club, en échange d’une certaine somme, de libérer un joueur de ses obligations professionnelles envers son club d’origine. Sa licéité est discutée en droit français et en droit fédéral. 

Est ensuite conclue la convention de transfert entre les deux clubs. Elle fixe les modalités temporelles et financières de l’opération. 

Enfin, est signé un nouveau contrat de travail entre le club acquéreur et le joueur. Le club est tenu d’informer le joueur du contenu de ce contrat avant son transfert

Ces contrats sont ainsi généralement précédés d’une phase de négociation libre, qui est importante pour garantir le consentement du joueur. 

Ce dernier peut être protégé dans les négociations par son agent sportif. 

Les négociations peuvent aboutir à des promesses de transfert entre les deux clubs au bénéfice du club acquéreur. 

Bon à savoir : les négociations peuvent aussi aboutir au “prêt” du joueur. Le prêt, aussi appelé “transfert provisoire” du joueur, est une autre modalité des transferts, qui ne rompt aucun lien contractuel. 

Quelles contreparties financières prévoir? 

Que doit verser le club acquéreur au club cédant et au joueur? 

Généralement, le club acquéreur devra verser :

  • une indemnité de transfert au club cédant. Elle répare le préjudice financier et sportif né de la rupture anticipée du contrat de travail entre le joueur et son club d’origine ;

Bon à savoir : vous pouvez également présenter dans le contrat le montant versé au club cédant comme : 

  • la contrepartie de l’acquisition d’un droit de propriété sur la licence du joueur ;
  • la contrepartie de l’acquisition d’un droit contractuel (le “prix de la libération” du joueur).

Vous devez, depuis 2006, inscrire le montant à l’actif du bilan de votre club comme immobilisation incorporelle, qui sera soumise à la TVA.  

  • une prime de transfert au joueur transféré. C’est une prime de signature du nouveau contrat de travail. Celle-ci n’est pas systématiquement obtenue par le joueur. 

Pour quel montant? 

De nouveau, les clubs sont libres de prévoir le montant de la contrepartie financière de l’opération de transfert. Il n’existe pas aujourd’hui de seuil légal ou fédéral au montant du transfert de joueur. 

Soyez vigilants toutefois aux possibles évolutions législatives. En effet, depuis 2017, le législateur semble de plus en plus déterminé à encadrer (fiscalement) les transferts de joueurs. 

Sous quelle forme? 

Les clubs sont également libres de fixer les modalités du versement de la contrepartie financière. 

Outre le versement direct du montant au club cédant, en tant que club acquéreur, vous pouvez : 

  • Organiser des rencontres sportives à votre charge et au profit du club cédant ;
  • Participer financièrement ou par votre savoir-faire à la formation des joueurs du club cédant ;
  • Concéder au club cédant un intéressement aux produits futurs nés du transfert de son joueur (pourcentage sur la plus-value d’une “revente”, majoration du montant du transfert si vous vous qualifiez grâce au joueur, etc.) ;
  • Recourir aux services financiers d’un tiers, qui versera le montant du transfert au club cédant en contrepartie de droits sur les produits futurs liés à la carrière du joueur, etc.

Bon à savoir : cette dernière option, dite d’accords “TPPO” (Third Party Player Ownership) est très délicate à mettre en œuvre, en raison des interdictions posées par certaines fédérations. La FIFA en particulier interdit aux sociétés sportives d’acquérir de tels droits sur les joueurs, que ce soit au moment de leur formation ou de leur transfert. 

Quelles sont les prérogatives des fédérations sportives délégataires ?

Les fédérations sportives disposant d’une délégation ministérielle disposent de deux grandes prérogatives. 

D’une part, d’après l’article L. 131-5 du Code du sport, les fédérations sportives délégataires disposent du monopole de la discipline sportive dont elle est chargée. Ce monopole inclue :

  • L’organisation des compétitions sportives : toutefois, il ne s’agit que des compétitions qui délivrent des titres départementaux, régionaux , nationaux et internationaux ;
  • La réalisation des sélections pour ces compétitions sportives ;
  • La proposition d’inscription de professionnels du domaine du sport (tels que les arbitres, entraîneurs, etc).

D’autre part, les fédérations délégataires disposent d’un pouvoir réglementaire. L’article L. 131-16 du même code accorde aux fédérations sportives délégataires de prescrire :

  • Les règles relatives à la discipline sportive dont elles ont le monopole ;
  • Les dispositions veillant à mettre en garde sur le danger que représentent les paris sportifs ;
  • Les conditions que doivent remplir les associations sportives pour participer aux compétitions qu’elles organisent ;
  • Les règles relatives aux manifestations sportives qu’elles organisent.

Comment interférer dans le contrat de transfert de joueur ? 

Les parties peuvent-elles revenir sur le transfert convenu ? 

Comme tout contrat de droit commun, l’exécution du contrat de transfert de joueur est obligatoire à compter du jour de sa formation. 

Dans ce contexte, les parties ne peuvent pas revenir sur leur décision, au risque d’engager leur responsabilité et de payer des dommages et intérêts. 

Étant données les sommes et les risques engagés, il est d’ailleurs rare que les parties, une fois les termes du contrat convenus, reviennent sur leur décision.   

Si une des parties refusait de s’exécuter, les conséquences de cette inexécution dépendraient de la conception que l’on a de la relation entre les trois actes du transfert : 

Première conception

Le contrat de transfert est conçu comme un ensemble de trois actes indépendants

Seconde conception

Le contrat de transfert est conçu comme un acte unique en trois étapes. 

L’inexécution entraîne la caducité [non rétroactive] du contrat de transfert.  L’inexécution entraîne la nullité [rétroactive] du contrat de transfert. 
Exemple : Si le joueur décide finalement de ne pas signer un contrat avec le club acquéreur, alors le transfert est réputé caduc. Le joueur ne sera pas renvoyé à son club d’origine, mais devra certainement régler l’indemnité de transfert à la place du club acquéreur.  Exemple : Si le club acquéreur refuse de payer l’indemnité de transfert, alors le transfert est réputé nul. Le joueur est renvoyé à son club d’origine, qu’il ait signé ou non un contrat de travail avec le club acquéreur. 

Dans la pratique, il est difficile de dire quelle conception aura le juge du contrat de transfert, ou comment il interprétera la rétractation d’une des parties et ses conséquences sur la validité de l’opération. 

Les fédérations sportives peuvent-elles rejeter une opération de transfert?

Les fédérations valident l’opération de transfert en homologuant les actes conclus par les parties. Si un contrat de transfert ne satisfait pas les conditions fixées par la fédération, celle-ci peut refuser d’homologuer le transfert. Ce refus le rend nul d’effet. 

La FIFA est particulièrement vigilante dans l’homologation des contrats de transfert des joueurs de football. 

La pratique est régie par un règlement fédéral en vigueur depuis le 1er août 2014. Ce règlement est très strict en ce qui concerne le transfert des jeunes joueurs, ou l’usage des clauses libératoires

Le juge peut-il sanctionner le transfert d’un joueur? 

Il s’est produit, au-delà des cas d’intervention du TAS dans des litiges entre clubs, que le juge de l’Union européenne intervienne dans les opérations de transfert des joueurs. 

Ce dernier est particulièrement attentif à la libre circulation des travailleurs européens dans l’espace communautaire. 

Certains clubs européens mettent en avant des “quotas de joueurs étrangers” dans leur équipe pour s’opposer aux transferts de ressortissants de l’UE. Le juge a pu forcer l’exécution de ces opérations de transfert.

Mise en ligne : 7 juillet 2021

Rédacteur : Charles DELIE Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Sous la direction de Maître Amélie ROBINE, Avocat au Barreau de Paris et Docteur en Droit.